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PISTE - Etape 5 : DOUZ / DOUZ
C'est ce qu'il est convenu d'appeler une journée de transition. Au beau milieu d'un parcours qui va crescendo. Aujourd'hui, c'était en quelque sorte révision de ce qui avait été appris sur les jours précédents et découverte d'un nouveau type de difficultés : le sable, mais rien que du sable. Et pas du sablon. De la véritable dunette, avec enchaînements, dévers, changements de cap brutaux, gros moulinets de volants, accélérations, pose au sommet nez dans la pente, glissade puis gaz pour affronter la nouvelle vague. Jamais de ligne droite, que du slalom, et sur une piste pas même dessinée ou si peu. Normal, car après quelques kilomètres, nous avons bifurqué pour emprunter une ancienne piste qui ralliait Ksar Ghilane, mais qui est aujourd'hui quasiment abandonnée, sauf par quelques fêlés dans notre genre qui préfèrent la difficulté à l'autoroute de caillasse et de sablon tracée depuis.






Des fêlés, il y en a d'autres d'ailleurs, car nous avons croisé trois énormes camions suisses allemands venant de Timbaïne, là où nous espérons être demain soir. « La piste ist wunderbach », nous ont-ils assuré dans un excellent français, tout juste mâtiné de quelques expressions typiquement alemaniques. « Zurtout dans la pardie Este, magnifiqueue. Za tangue bas mal, mais z'est une vraie régalade... » Ça promet.
L'avant-goût avait un arrière-goût sablonneux, c'est le moins que l'on puisse dire d'autant que le vent coquin s'était levé, emplissant narines et poumons, jusqu'à faire crisser les dents. Impression pas toujours très agréable, je vous l'assure, qui vous pousse à boire des litres et des litres d'eau, et donc à transpirer comme jamais. La température, malgré (ou à cause) du ciel voilé ayant grimpé jusqu'à 45 °C, toujours sans la moindre ombre, la pauvre herbe à chameau ne dépassant pas les 30 cm de hauteur. Des traces, il n'y en avait pas trop non plus. Pourtant, je pensais bien en trouver, le premier groupe étant parti une bonne demie-heure avant nous. Mais la navigation, dans l'erg, n'est pas aussi évidente qu'il y paraît et la piste disparaît souvent, balayée par le vent. Il faut un œil de lynx pour deviner, à deux petits creux parallèles dans une dunette que quelqu'un vous a précédé et qu'il faut donc passer par là. Un coup à droite, un coup à gauche. Des enchaînements de dunettes, traîtresses pour la plupart car dissimulant parfois un creux précédant une montée trop raide qu'il faut contourner au prix d'un manœuvre hasardeuse. Mais après deux jours d'apprentissage, tout le groupe a bien compris la manœuvre et conserve à peu près ses distances. Mais parfois, un 4x4 se sent un peu trop en confiance, double et ralentit brusquement, surpris par le terrain mouvant et peu porteur. Le pauvre Rommel, avec son VW 181 à deux roues motrices perd alors son élan et se retrouvé tanqué comme un malheureux. Heureusement, le premier groupe auquel il appartenait, s'est gourré de piste et Daniel s'est sacrifié pour le remettre dans le droit chemin. Prenant Rommel dans son sillage pour imprimer un rythme lui permettant de toujours conserver une vitesse suffisante pour passer les longs sablons ou les enchaînements de dunettes. Du coup, notre renard du désert a retrouvé le sourire.
Pour les Huet, la journée a été un peu plus compliquée. Hier, dans un trou, un tirant de chasse s'est fait la malle. Personne ne s'en est aperçu, mais ce matin, dès les premières difficultés, le demi-train s'est mis à travailler dans une position inhabituelle pour lui et le cardan a joué le rôle de fusible. Il est sorti ! Plus de peur que de mal parce que Guillaume et Thierry accompagnaient la 4L et qu'ils transportent ses pièces de rechange. Une petite heure à se battre contre... les mouches (omniprésentes dans le désert, leur nourriture étant manifestement constituée par la chair fraîche des touristes dont elles se repaissent avec délectation) et le sable.






Pour les Moreau, la journée a été plus tranquille. L'Acadiane ne prendra plus la piste, elle est restée sagement à l'hôtel. Leurs occupants se sont donc installés dans d'autres véhicules et ont goûté à la piste en passagers. L'occasion de mesurer la différence qu'il peut y avoir entre deux et quatre roues motrices. Une promenade de santé. Du coup, demain, nous les mettons au volant d'un Iltis que nous leur avons prêté. Pour arriver jusqu'à Timbaïne et profiter malgré tout du plaisir de conduire.
Bon, je dois vous avouer que j'ai fait une bêtise. Je suis allé cogner à la porte du Range Rover de Romain et Maxime. Du coin de mon Iltis, en reculant sans vraiment de visibilité mais bon, c'est tout de même de ma faute, il faut toujours faire descendre son passager pour vérifier que la piste est libre. A deux à l'heure, mon pare-chocs a visé le milieu du voile de porte, tapant dans la protection, mais oubliant au passage qu'il s'enfonçait dans de l'alu. Résultat un beau pli, mais pas de vitre cassée, ouf ! Ce soir, le panneau est plus ou moins redressé, la vitre monte et descend... J'en suis quitte pour leur payer une belle porte en rentrant. En espérant qu'ils gardent l'ancienne en souvenir. Autour du cou, ça fera un beau pendentif !
Il m'a été également rapporté que certains s'étaient tanqués à l'abri des regards indiscrets et des photos compromettantes. Je ne délaterai donc pas sans preuve... Si ? Vous insistez ? Bon, d'accord, mais c'est bien parce que vous me l'avez demandé sous la torture. Le coupable ? Alain Bour, avec pourtant son énorme Range bourré de vitamines. Je ne sais pas comment il a fait son compte, lui non plus. Il devait sans doute penser à sa petite fille Mélissa, six mois à peine. Ou à son anniversaire que nous avons fêté il y a deux jours... Bref, c'est le tanqué de la journée. Avec Jean-Mi et son gros Mercedes, mais qui a voulu faire le kakou devant la foule en délire et a payé le prix fort. Une honte monumentale, la butte ne dépassant pas les cinquante centimètres. Et encore, j'ai pris un mètre élastique pour la mesurer... Il s'en est cependant sorti sans l'aide de Teddy qui s'était pourtant proposé immédiatement, trop content de voir son compère se vautrer dans les mêmes draps que lui hier...




Le groupe est donc au complet, sans incident majeur à déplorer, preuve que les autos étaient vraiment bien préparées, et prêt à en découdre avec la piste de demain, celle dont certains se font déjà une montagne, hésitant à prendre le départ, mais n'osant pas le dire. Nous ne le verrons pas à table ce soir, ils ont décidé de manger en ville, histoire de s'offrir le dernier repas du condamné, tel qu'ils l'imaginent, sans nous autour pour leur mettre la pression. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que nous connaissons toutes les bonnes tables de Douz et que nous les avons déjà prévenues de leur arrivée. Ils devraient entendre parler de la légendaire Timbaïne, dans des évocations bien plus terrifiantes que celles que nous aurions pu leur présenter car, pour tout dire, si cette piste a été mythique, c'était il y a quelques années. A l'époque où elle n'existait pas vraiment, les rares traces étant effacées aussitôt faites. Aujourd'hui, vu la fréquentation du lieu, c'est un quasi boulevard. Certes avec des difficultés. Mais qui a perdu une bonne part de son angoissante part de mystère. Remarquez, c'est ce qu'on entend dire de la part des vieux routiers, style Jean-Mi, qui sont revenus de tout et ont tout connu . Mais on se méfie malgré tout, la dernière fois qu'il nous a indiqué un raccourci, nous avons perdu six heures ! Daniel qui l'a faite il y a peu a eu un de ses sourires qui laisse malgré tout présager que ça ne va pas forcément être une partie de plaisir. Il suffit de voir l'heure de départ pour le comprendre. Nous partirons à 6 heures demain matin, au moment où le soleil se lève avec brusquerie, fendant l'ombre d'un unique rayon d'une violence inouïe. Le sable devrait alors être plus porteur, et nous à peine éveillés par un café qui n'a de caféine que l'apparence. Si tout va bien, vous aurez des nouvelles demain soir, via l'antenne satellite. Serons-nous à Timbaïne ou ailleurs, à improviser un campement dans le désert, au milieu du Grand Erg ? Surprise...



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