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Etape 5 - Ksar Ghilane / Tataouine
Le muezzin de Tataouine appelle à la prière. Au milieu des petits bungalows en pierres raboutées à la va-comme-je-te-pousse, il règne un calme qui respire la sérénité. La journée a été, une nouvelle fois, exceptionnelle et ce groupe est vraiment magnifique. Il s'était scindé en trois sous-groupes au départ. Devant : la Baja d'Eric Riegler, suivi du Range de Gilles Viet et de la 4L de Carméla Nayrolles. Derrière : Daniel avec les retardataires, et notamment le groupe des gros V8 de Damien, celui qui a décidé de jouer les électrons libres et de n'écouter que leur bon vouloir, surtout pas les consignes. Hier, ils ont manqué se perdre au milieu de nulle part. Ils sont arrivés bons derniers au campement. Ce soir, c'est rebelote et dix de der. Ils ont jardiné, mais ils sont là, c'est l'essentiel.
Nous, nous avions décidé de partir avec le deuxième groupe qui comportait l'essentiel des deux-roues motrices, les Colorale de Thierry et de Guillaume, le Land Rover des Mousseigne (au fait, le problème des freins est réglé, on a déconnecté le servofrein. Au passage, on vous donne l'adresse du pro qui leur a tout pourri : Land Technologies à Saint-Jean-d'Illac, à éviter), l'Iltis des Moumoune, l'Iveco de Degrémont, le Transporter, la VW des Chaintreuil,... Que des gars qui roulent bien et ont demandé du rythme. Michel fait l'ouverture, comme d'habitude mais, dès la sortie du campement, il prend la mauvaise piste. Le temps de le prévenir et nous voilà une fois de plus à ouvrir la piste. Ce n'est pas pour nous déplaire. Sylvain maîtrise désormais parfaitement le GPS et le road-book et nous filons bon train sur de la caillasse, mâtinée de quelques jolis passages de sablons. Le ciel est légèrement voilé, la température a fraîchi, le sol est légèrement humide, ce sont des conditions idéales pour se lancer sur cette piste qui file vers le sud, parallèlement à la route du pipe-line, avant de repiquer vers l'est et Tataouine. Au programme 80 km. Pas très difficiles, mais piégeux. Avec des changements de cap et de pistes, des trous, des zones mal dessinées, et même quelques petits franchissements inattendus. Il nous faut ainsi une bonne demie-heure pour avaler les dix premiers kilomètres, l'un des premiers longs sablons étant franchi en douceur par tout le groupe, désormais bien attentif aux consignes. On laisse passer celui qui vous précède avant de se lancer à l'attaque, on godille en conservant la motricité pied léger sur l'accélérateur et on compense la dérive au volant. Simple avec un 4x4, un peu plus délicat avec une deux-roues motrices, mais ce groupe est parfait et tout le monde suit sans encombre.
La colonne s'est étirée, et nous marquons une première pause en arrivant à la hauteur du petit groupe qui nous précédait. Nous sommes désormais 22 véhicules et nous repartons pour un deuxième gros morceau. Le road-book annonce du sable mou. Il ne se trompe pas. Le premier long sablon est fatal à la 4L de Carméla et à la 12 de JC et Peg. Plantés jusqu'à l'essieu. On pousse Carméla, ou plus exactement sa coéquipière (Carméla y tient, ce n'est pas elle qui s'est plantée, mais Michelle ! C'est beau des copines de plus de 30 ans !). Avec la 12 ça va être plus drôle. JC nous sort une sangle top moumoute. Le genre de truc qui ressemble plus à un sandow qu'à un tire-fesses. Il tient à ce qu'on l'attelle à la Colorale de Pérot. On fait la moue, mais bon, il insiste quand même beaucoup JC. On s'écarte, parce qu'on sait très exactement ce qui va se passer, et une sangle qui pète, ça peut faire des dégâts. La Colorale se met en route, avance doucement pour tendre la sangle et zou, elle envoie délicatement les watts. La sangle hurle, la 12 ne bouge pas d'un poil et paf, la sangle éclate. De rire, comme nous. Nous sommes pliés en quatre sur le bord de la piste. JC est marri, mais il se marre. Nous sommes bons pour le pousser, mais il n'a pas beaucoup de chevaux dans sa 12 et c'est un rien plus dur qu'avec une 4L. Mais six courageux se dévouent et au bout de la troisième tentative, la 12 s'extirpe de sa gangue de sable. Ouf, c'est reparti.
Le terrain alterne cailloux saillants et sable mou, et là c'est Carméla qui tanke sa 4L dans le sable. Du coup, sa copine me fait remarquer que ce n'est pas elle ce coup-ci. Un partout, balle au centre ! Il ne faut jamais se moquer... La 12 nous refera également le coup, mais on a tous compris, on la pousse, ça va plus vite. Une autre 4L subira le même sort, mais dans l'ensemble, tout le monde s'en sort avec plus que les honneurs. Et c'est tant mieux parce que nous pouvons tenir ainsi un rythme soutenu. 30 km dans l'heure, sur un tel terrain, c'est bien. Mais il va encore falloir accélérer la cadence parce que le vent de sable s'est levé et de gros nuages laissent augurer une pluie prochaine. Nous profitons d'un nouveau regroupement pour expliquer à tout le monde qu'il va falloir presser le mouvement. Pas de souci, les pilotes sont en forme et ils ne demandent qu'à en découdre avec plus de virulence. Mais rien n'est jamais simple dans le désert. Le vent, de plus en plus violent, a effacé toutes les traces et la piste disparaît par endroits. Sans GPS, pas moyen de s'y retrouver. Même nous, qui ouvrons, nous avons du mal à distinguer ce qui ressemble vaguement à une piste. Les points GPS du road-book défilent pourtant, les uns après les autres, signe que nous ne nous débrouillons pas si mal car c'est vraiment au jugé que nous décidons de partir sur la droite ou sur la gauche, faisant régulièrement du hors piste, celle-ci ayant disparu.
Dans la CB, pas un mot. Tout le monde est concentré, et lorsqu'arrive une nouvelle zone de sablon, nous faisons une nouvelle halte. Pour reposer les hommes et les machines. Le sourire est de rigueur. C'est sport, mais toujours dans les limites du raisonnable et on en redemande. Pas de souci. Cette fois, Gilles Viet décide de prendre les devants, suivi par le Baja et une 4L. Nous les suivons à distance, mais la piste est piégeuse et le décor pas toujours amène. Nous voyons ainsi les trois voitures s'engager sur la piste principale, bien tracée, alors qu'il aurait fallu tourner à droite sur un semblant de tracé. « Gazomobile à Gilles ! Vous avez loupé la tournée ! Vous n'y couperez pas ce soir ! » « T'es sûr ? Au trip, c'est dans 300 m. » Possible, sauf qu'à jardiner comme nous le faisons depuis une petite heure, les distances n'ont plus rien de cohérentes. Mëme entre deux points, nous arrivons à trouver des différences de 300 à 400 m. Mais Sylvain est sûr de son coup. Alors on leur fait faire demi tour et on s'engage sur la bonne piste. Derrière, après un instant d'hésitation, tout le monde suit. Plus loin, Michel se marre. « C'était bien à droite, mais si vous étiez allés tout droit, elle rejoignait la bonne trace... » Tous les chemins mènent à Tatatouine...
Vers midi, le vent souffle de plus en plus fort et quelques gouttes de pluie s'écrasent sur le pare-brise. Aïe, le temps se gâte ! Nous cherchons un coin pour piquer-niquer en nous éloignant de la piste pour nous abriter du vent à l'abri d'un mont, mais c'est le moment que choisit le ciel pour nous inonder. En cinq minutes, c'est un déluge qui s'abat. Que fait-on ? On attend que ça se passe ou on reprend la route ? Le nuage semble bien accroché au mont. Nous décidons de repartir et c'est finalement deux kilomètres plus loin, après avoir franchi un bel obstacle (une saignée dans la piste, profonde et juste large comme un pneu de 4L !), que nous pique-niquerons. Le vent nous ramène du sable dans les saladettes, et dans le Ricard, mais à la guerre comme à la guerre. C'est le moment que choisissent Emmanuel et François, nos deux motards encore en course, pour nous rejoindre. « Nous sommes partis les derniers, se marrent-ils, nous avons remonté tout le monde, mais ça faisait bien une heure qu'on ne voyait plus personne. On pensait même être les premiers ! » Désolé de vous décevoir les garçons, mais on était là avant vous. On se marre, on prend des nouvelles de la Yamaha de Pierre Prin qui était encore en délicatesse avec sa distribution lorsque nous sommes partis et nous apprenons qu'il avait quasiment terminé. Il sera donc de la partie demain pour la belle et longue étape avant le réveillon. Une super nouvelle qui ragaillardit les troupes que même le vent de plus en plus violent et le sable qui pique les yeux ne parviennent pas à perturber.
Nous ne sommes plus qu'à une dizaine de kilomètres de la sortie de la piste et cette dernière partie est très roulante, avec un peu de tôle ondulée avalée à 80 km/h avec précaution car si, à cette vitesse, on ne ressent quasiment plus les ondulations du revêtement, les trains roulants cherchent leur place et on a l'impression d'être sur un coussin d'air. Allez, un dernier effort, un ultime sablon pour se mettre en jambes pour demain et nous voilà au goudron. A gauche Tataouine et Chenini. Le road-book indique d'ailleurs cette direction et Chenini est classé au Patrimoine de l'Unesco. Le visiter pourrait être sympa. Mais nous avons une autre idée en tête. Nous savons que, plus loin sur la droite, en allant sur Médénine, se trouve le village de El Douiret, un ancien village troglodyte dont on a commencé la restauration. Moins touristique que Chenini, plus authentique aussi. Nous décidons d'y emmener la troupe. Par chance, il ne pleut plus, le ciel s'est même dégagé et le vent est un peu moins fort. Une dizaine de kilomètres plus loin, nous arrivons à El Douiret, niché à fleur de montagne, dominant une vallée superbe, et coiffé de son Ksar. C'est un de ces villages de crêtes peuplé de berbères, puis déserté, et qui revit aujourd'hui grâce à la passion de la famille Raouf qui en a entrepris la restauration. Les anciennes habitations sont petit à petit rénovées et transformées en gîte. Déjà une trentaine de chambres sont prêtes. L'an prochain, il devrait y en avoir le double et, pour une prochaine édition, nous nous y installerons sûrement parce que la vue est exceptionnelle et le décor somptueux. Du coup, nous avons quelque peu zappé Chenini, y passant sans nous arrêter. De toutes façons, pour visiter la ville troglodyte, on n'échappe pas aux guides locaux, gentils, mais un peu lourds. « Je te connais toi, tu m'as amené un groupe il y a deux ans. » C'est un jeu dont il faut connaître la règle. Devant le groupe de touriste que l'on est censé amener, le guide vous fait mousser. « C'est un grand, lui, je le connais bien. » Il faut alors acquiescer, lancer, « oui oui, mais c'était il y a trois ans mon ami. Et c'est avec Abdel que j'avais traité, il est là Abdel ? Tu étais son cousin, non ? » Ca marche à tous les coups, ils sont tous cousins et un Abdel, il y en a toujours un qui se fait guide. Alors, on palabre et si on joue vraiment le jeu, on obtient un bon prix, le thé en prime. Nous n'avons pas trop le temps aujourd'hui, dommage, j'aime bien ça, discuter, palabrer, négocier, taper dans la main, le tout avec un immense sourire et avec la gentillesse des gens de ce sud tunisien si agréable.
Voilà, la journée se termine comme elle a commencé. Pas ou peu de mécanique, aucun incident notable. Les autos sont au top, les pilotes au point et les co-pilotes parfaits. Bon, on a toujours un ou deux doutes sur certains points du road-book, mais les pistes sont tellement changeantes. Et puis, il faut bien, de temps en temps, jardiner et se perdre. On ne s'en retrouve que mieux...

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