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Etape 4 - Matmata / Ksar Ghilane
On vous avait promis un rallye d'anthologie, ça en prend le chemin. Je vous ai laissé avec les retards astronomiques du bateau de la SNCM, la compagnie maritime que plus jamais nous n'utiliserons, même si elle est la seule sur le marché, on préfèrera ramer plutôt que de remonter à bord d'un de leurs bateaux. Pas aimables, pas à l'heure, hors de prix, prétentieux, en un mot, rien que de la gueule, tout ce qu'on déteste ! Les premiers à rallier Matmata ont été Pascal et Didier avec le Trafic attelé à la remorque. Ils n'ont pas chômé sur la route et, pourtant, ils sont arrivés à Minuit ! Les autres se sont succédés à un rythme lancinant, jusqu'à 4h30 du mat'. Les derniers ne sont, en prime, pas veinards. Car sur le plateau de Jack, a pris place le beau Santana tout propre de Patrick et Liliane Lheurette. Transmission cassée, nez de boîte explosé, tout ça à cause d'un croisillon de cardan qui a pété, détruisant tout sur son passage. Pour le Suzuki, c'en est fini, à moins de trouver une boîte, un arbre, bref faut pas rêver. Il a les boules Patrick. Pas tant parce qu'il a cassé. Après tout, ça arrive. Mais plutôt parce que les copains vont se moquer de lui. « Ca t'apprendra à vouloir faire des infidélités à ta 4L Sinpar ». « Tu vois Renault a racheté Nissan, ben c'est une autre Japonaise qui t'explose à la tronche... »
Avec tout ça, plus question de partir à 7h30 comme prévu initialement. Nous ne sommes pas des sadiques. C'est donc à partir de 9h que se sont échelonnés les départs. En fait, cette arrivée nocturne a été un mal pour un bien, car c'est plongée directe en apnée. Au point d'ailleurs, que certains avaient déjà des étoiles plein les yeux en découvrant, au réveil l'incroyable hôtel troglodyte dans lequel ils avaient dormi, et le paysage environnement. Dépaysement garanti total, le soleil et la chaleur en prime.
Le road-book prévoyait un passage par Toujane, et une interdiction totale de piste pour les camions qui sont trop larges pour pouvoir passer entre les murailles de terre ou sur les ponts. Comme nous nous attendions à une entrée directe sur la piste, je me suis engagé sans plus réfléchir sur la première trace aperçue sur la droite. Le roed-book disait pourtant qu'il fallait aller tout droit, mais non, môssieur n'en fait qu'à sa tête. Pour l'excuse, j'aurais beau expliquer que je voulais tester les capacités de franchissement du 4x4 Ranger de location, on ne m'a pas vraiment cru. Pourtant, c'était parfait. Premiers hectomètres étroits, avec des ornières profondes, à peine la place de passer, des dévers de plus en plus impressionnants, puis une butte à près de 30%, raide comme la justice, passée en petite vitesse avec plantage maîtrisée au sommet pour examiner ce qui se cachait derrière (une descente tout aussi sauvage)... D'enfer ! Mais au bout de 500 mètres de ce régime, le doute n'était plus permis, jamais Daniel ne nous aurait entraîné sur une piste aussi dure. Pas moyen pour les deux roues motrices d'avancer. Et la plupart des 4x4 se seraient cassés les dents sur certains obstacles. Bref, demi tour et zou, on a repris le... goudron qui constituait en fait l'entrée de la piste. Celle-ci commençait réellements quelques kilomètres plus loin, après des passages étroits à travers le Djebel, acclamés comme des rois pas quelques rares enfants bergers et en serrant les fesses lorsqu'arrivait une 404 plateau en face, chargée à donf'. « Pousse-toi, je suis plus gros que toi ! Comment ça t'es prioritaire ? Oups, c'est juste. Scuses, je recule ! » 300 mètres en marche AR pour pouvoir se dégager, c'est sport quand les roues tutoient le vide d'un côté, les rochers de l'autre. Mais on y arrive toujours !
A ce rythme, nous étions évidemment bons derniers ou presque. Nous savions quelques attardés visitant le site de Toujane et Daniel, levé bien trop tard, les attendant pour ferme le convoi. Mais les premiers avaient alors une bonne heure d'avance sur nous, voire même plus. Bon, tant pis, nous sommes seuls, on va rouler à fond. Ca secoue bien un peu, mais un 4x4 moderne, ça aide à aller vite. Et puis, d'un coup d'un seul, la CB crache : « Help, une voiture en panne, y'a quelqu'un ? » C'est Benoît, le toubib, avec son Toyota HJ73 aux couleurs de la MACS qui appelle à la rescousse. Et devinez qui est en panne ? Je vous le donne en mille Emile, c'est les Mousseigne. Toujours en délicatesse avec leur maître-cylindre. Et paf, je n'ai même pas fini de répondre à Benoît que nous arrivons, tel Zorro chevauchant son fier destrier, et j'ai tout juste le temps de piler pour les éviter. Il faut dire que la piste est étroite, et qu'ils se sont arrêtés derrière une crête, juste après un virage serré ! Oups, on l'a échappé belle. Le temps de sécuriser la zone en se signalant (Sylvain a grimpé sur la crête pour surveiller les éventuelles arrivées), et on prête assistance (morale) aux pauvres Mousseigne. De toutes façons, on ne peut plus rien faire depuis le départ. Desserrer le maître-cylindre est un pis-aller, M. Land-Rover a mal fait son boulot, et pis c'est tout comme dirait Philippe Lucas.
Arrive alors le groupe des gros V8 comme on les a surnommés, la bande à Damien. Trois gros V8 bourdonnant et suivis comme leur ombre par la 4L de Maxime Rimlinger qui soutient le ryhtme sans faiblir. « Normal, j'ai fait le 4Ltrophy ! » Ils parviennent à nous dépasser, dans un gros nuage de poussière et, après s'être enquis du problème, repartent. « Allez-y, c'est déjà presque réparé ! » Presque, c'est le mot. Les freins sont vraiment HS et ça va être coton, mais les Mousseigne poursuivent leur route, nous aussi.
Quelques kilomètres plus loin, nous redoublons le groupe des gros V8. Une halte toilettes, si on en juge par le rouleau de PQ que nous montre, de loin, l'un des pilotes. Nous les dépassons donc sans vergogne. Nous ne sommes plus les derniers ! Chouette, j'accélère la cadence. Sous les roues du 4x4 le caillou se fait saillant, les ornières profondes, on tressaute, mais on passe. Tout en deux roues motrices, c'est très roulant. Il faut juste anticiper, avoir l'œil loin devant, le pied léger sur l'accélérateur. Mais les kilomètres défilent dans des paysages de plus en plus beaux. Nous traversons de petits villages, saluons une femme en train de laver son linge, des gamins hilares et un berger qui tente désespérément de faire comprendre à ses chèvres qu'il leur faut s'écarter devant la menace mécanique que nous représentons. Une demie-heure plus tard, cette folle course est récompensée. Au loin, un nuage de poussière. Des attardés ? Oui, nous rattrapons un petit groupe mené par Guillaume Kuhnlé et sa Colorale. Il y a là une deuxième Colorale, celle de Thierry Thomas-Chauvet, des 4L, la VW des Chaintreuil et même une 2CV, celle des Lemarchand. Nous leur collons au train et remarquons, sur la piste, des traces d'huile. Appel à la Cibi... « Gaffe, il semble que l'un d'entre vous ait percé son carter. » Guillaume nous rassure, les traces il les suit lui aussi, il a appelé le groupe devant lui, personne n'a l'air de rencontrer des soucis. Ce soit être un local qui a laissé sa boîte ou son pont sur la piste. Ouf ! Le rythme s'accélère, à croire que je les pousse aux fesses. Nous rattrapons ainsi le premier groupe, celui de Michel Podevin. Avec une troisième Colorale, celle de Pérot, la 2CV de Popineau et encore d'autres 4L ainsi que le Transporter des Jeantet.
Ca tombe bien, nous allons aborder la partie la plus rigolote du parcours. Un mélange de tôle ondulée et de sable mou. Nous décidons de partir devant pour nous arrêter plus loin et les prendre en photo. Je repère un passage de sable mou, pas trop difficile, mais suivi quelques mètres plus loin par un sablon long et délicat. Héhé, me dis-je, ils vont jouer les kakous pour la photo et ils ne se méfieront pas. Gagné. Quelques minutes plus tard, la 2CV des Lemarchand se plante dans le sablon, jusqu'à la garde ! Chouette ! On pousse, et zou il repart. Les autres, calmés, font un peu plus attention et tout le groupe passe sans trop d'encombre. Ils vont aller piquer-niquer un peu plus loin. Nous, nous restons sur place pour attendre les suivant et grignoter un morceau. Seuls, dans le vaste désert, bercés par une brise légère. Un aperçu du bonheur.
Soudain, un bruit de moto. Et nous voyons arriver Emmanuel Poupon et François Beauvais, au guidon de leurs Yamaha Ténéré. Ils s'arrêtent à notre hauteur. Aïe, un souci ? Et comment, le moteur de la Yam de Pierre Prin a cassé. Nous le voyons arriver, tracté par la 4L de Girardot/Bouchard. Ca fait 30 km que Pierre souffre comme ça. Je leur déconseille de poursuivre plus avant, et de retourner plutôt sur le goudron, 500 mètres plus loin, et d'attendre qu'on leur envoie un camion, dès que nous serons arrivés. En fait, ils trouveront une autre solution, une des motos tractant Pierre et ils sont arrivés sans encombre, le Mol, parti à leur rencontre, rebroussant chemin pour les accompagner, vingt kilomètres avant le campement. Bravo, et savez-vous le meilleur ? Les trois compères sont déjà à pied d'œuvre pour refaire un moteur à Pierre. Avec des pièces des uns et des autres. Jolie leçon de solidarité. Et c'est tant mieux parce que l'an passé, Pierre avait déjà eu des soucis au moment d'affronter le sable et il avait dû finir dans le camion d'assistance la plus belle des étapes marocaines. Il se voyait maudit, alors que nous allons attaquer le sable...
Nous repartons et rejoignons le premier groupe qui prend la précaution de dégonfler ses pneumatiques car nous allons bientôt arriver dans des zones sablonneuses. « Sable mou » prévient le road-book. Quelques conseils sur la manière de passer ces zones et nous repartons. Ventre à terre car tout le monde a désormais la piste bien en main, et le rythme est soutenu. Nous avalons les sablons sans même nous en rendre compte, pour nous lancer sur la tôle ondulée, mortelle pour le coccyx, et finir dans du sable... Une heure de pure folie, émaillée de quelques arrêts pour se remettre des émotions, et échanger ses impressions. C'est magique et, en vieux baroudeurs, les participants gonflent et dégonflent leurs pneus suivant les obtacles prévus par le road-book. Du coup, nous rallions Ksar Ghilane et le campement Pansea vers 15h30. Nous sommes les premiers, en dehors de l'assistance, qui a pris la route pour arriver jusque-là. Le Mol part aussitôt à la recherche des motards, pour rien comme on l'a vu, mais deux précautions valent mieux qu'une. La plupart se jettent dans la source d'eau chaude (35 °C alors qu'il fait 20 °C dehors), et les capots se soulèvent pour nettoyer les filtres à air, soumis à rude épreuve. Sur les visages, d'immenses sourires. En quelques heures, tout le monde a oublié les fatigues du voyage, le bateau de la SNCM, les tracasseries douanières, l'arrivée à pas d'heure... Nous venons de toucher du doigt un moment magique comme seul le désert sait en réserver. Et comme il faut évidemment un peu de piment à cette sauce qui a décidément pris très vite, un coup de téléphone achève de nous mettre en joie : quatre équipages sont paumés. Ils ont suivi un premier de cordée qui n'a pas de GPS et a dû louper une case du road-book. Depuis, ils tournent en rond. Par chance, il y a du réseau là où ils sont paumés. « Vous êtes où ? » « Je sais pas » « Vous avez un GPS ? » « Ouais, on a un Tom-Tom qui dit qu'on est quelque part à 34° Nord ». « Oups, c'est pas possible, les gars, votre position indique que vous êtes au niveau de... Tunis ! » Je leur fais programmer un point en prenant en référence les dernières indications dont ils sont sûrs et, alléluia, je finis par les localiser. Ils sont à 500 m de la route sur laquelle sont nos motards. Simple comme bonjour de les guider ensuite pour les remettre sur le bon chemin. Pour eux, la piste c'est terminé. Ils rentrent par la route. Ils sont d'ailleurs arrivés, tout comme les derniers retardataires que Daniel est allé récupérer. La nuit n'est même pas tombée... Génial... PS : si vous lisez ces lignes c'est que l'antenne satellite fonctionne à nouveau. Mais nous ne sommes plus à un miracle près ces jours-ci.

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