Adriatica 2 - Etape 05 - Opatija / Plitvice
Pas de panne, aujourd'hui ? Ben... oui. A moins que les victimes n'aient choisies de se cacher soigneusement, mais rassurez-vous, je mène l'enquête. Mais ce n'est pas facile, car nos ouailles sont sacrément dispersées aujourd'hui. L'étape était courte (moins de 200 km à 30 ou 50 km près, c'est selon, parce que le road-book était, une fois encore, approximatif, vu que nous n'avions pas pu repérer une partie du parcours), et le but de la manÅuvre, c'était de se rendre au plus vite à l'hôtel pour avoir le temps de visiter les 16 lacs et qui se jettent les uns dans les autres en 92 cascades autour de Plitvice. Magnifique spectacle qu'il ne fallait manquer sous aucun prétexte. La route, parfois en reconstruction, était bonne, roulante et la plupart ont pu arriver avant 14h et marcher ensuite entre 4 et 5 heures pour faire le tour, à pied, en grimpettes et descentes sévères ou sur le chemin de rondins, pour voir tout ou partie de cet entrelacs sauvage et parfaitement préservé, malgré la guerre qui est passée par là , entre 1991 et 1995, et dont on voit encore les stigmates. Les maisons grêlées d'impacts de balles sont monnaie courante, tout comme les villages à moitié déserts, abandonnés par des populations parfois déplacées. Nous nous sommes notamment arrêtés dans un de ces petits villages, à 300 m de l'ancienne ligne de front. Les traces sont encore profondes et restent, comme pour témoigner à la face du monde de ce qu'il s'est passé ici, sans que personne, en Europe ne daigne s'en préoccuper avant d'enfin se décider à réagir. Tard, bien trop tard pour éviter le fossé qui demandera sans doute deux générations avant qu'il ne puisse se combler entre des communautés qui peinent aujourd'hui à se parler. Lueur d'espoir, le regard de Dovar, un jeune d'une vingtaine d'années, qui sourit en montrant les impacts de balles et dit que maintenant, « tout est ok ». Et pour le prouver, il sort de son garage la Coccinelle qu'il est en train de restaurer. « Avant, j'avais une 403, mais elle était tellement pourrie en carrosserie que j'ai préféré la revendre pour acheter cette Cox ». C'est un modèle de 1967, qui tourne comme une horloge, et il nous aurait bien suivi Dovar mais sa maman a besoin de lui pour servir à table dans le petit restaurant qu'ils tiennent sur la route de Plitvice. Et dans lequel on sert un goulash exceptionnel.
Journée émotion, donc. Toute en retenue, avec en point d'orgue les lacs de Plitvice qui sont classés au patrimoine de l'Unesco et on comprend pourquoi. On y vient du monde entier pour l'admirer et j'ai croisé un couple d'américains de l'Utah qui emmenaient leur mère, 87 ans, bon pied bon Åil à la découverte de la Croatie. Elle a fait tout le parcours à pied, là où beaucoup prennent le bus et le bateau pour gagner du temps et éviter de se fatiguer. Chapeau madame. Au fait, ces américains-là adorent la France, et ils voteront Barack Obama. Ce qui n'étonnera personne, tous les américains en goguette à travers le monde votant pour le progrès et l'ouverture d'esprit... Je vous l'ai dit, aujourd'hui était une journée, comment dire, différente... Allez demain, on repart sur la côte et Sibenik. Promis, je vous raconterai l'histoire du pull perdu-volé d'Huguette, retrouvé dans des circonstances épiques. Mais chut, nous avons prévu un épilogue surprise pour le briefing...
Dernière minute : j'ai parlé un peu vite en parlant de journée sans panne. En passant au camion assistance, j'ai retrouvé un habitué, Joël Brunel qui a, pour la deuxième fois, crevé (décidément les Panhard ce n'est plus ce que c'était). Pas la même roue... « Mouais, je vais peut-être enlever les autocollants Gazoline, se marre-t-il, ils me portent la poisse. En 40 ans de Panhard, c'est la première fois que je crève ! » On va le croire, tiens. Il y avait également Michel Mounier qui, lui aussi, a crevé avec sa Triumph. Bon, c'est rien de grave, et ça maintient l'assistance occupée.