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Routes - 08-10 - Merzouga / Meknes
Ça sent déjà la fin. L'étape du jour propose une remontée féroce vers le nord. 450 km entre Merzouga et le grand Sud et Meknès, l'une des villes impériales les plus belles du pays. Chaque seconde compte désormais double, comme si l'on voulait arrêter le temps pour faire durer des moments qui frisent la magie. Ce matin, à 6 heures, alors que le soleil commençait à peine à daigner se lever, il y avait foule au pied des dunes, pour assister à ce spectacle magique et à nul autre pareil : l'arrivée des premiers rayons qui percent l'obscurité avec timidité pour dessiner d'immenses ombres aux dunes avant d'iriser le ciel tout entier d'une lumière rose orangée. Les dromadaires, pourtant habitués, en oublient de blatérer, se contentant de baisser la tête pour l'enfouir dans leur pitance, un mélange d'herbes et de céréales. Certains des participants ont de petits yeux, ce matin. Et ce n'est pas le lever du soleil ou l'heure mâtinale qui en est la cause, mais bien plus la longue nuit passée à danser, boire ou... ronfler. Ce sont les charmes du bivouac. Un qui ronfle, huit qui ne dorment pas.
<doc1394|center>Il en est un qui nous fait bien marrer, ce matin. Il a l'Âœil, comment dire, un brin distant. Comme s'il ne parvenait pas à sortir d'un rêve éveillé. C'est Damien Danière. On se souvient qu'à Algéciras, il avait grogné que les autocollants allaient abîmer la belle peinture de sa Fiat 850. Il avait négocié le strict minima, assurant qu'il mettrait les autres plus tard. Et puis, les deux derniers jours, notre Damien a jeté sa 850 sur les pistes. Sans plus faire attention à sa superbe carrosserie. Son auto est poussiéreuse, émaillée ici et là de quelques éclats, projections de cailloux obligent. Il ne la bichonne même plus, et hier, alors qu'elle a perdu le bouchon de vidange de son radiateur et toute l'eau qui allait avec, il n'a même pas tempêté. Il s'est arrêté (il n'y avait plus une goutte dans le radiateur, il était temps), a bouché le trou, rempli le circuit de refroidissement et il est reparti. Il ne se plaint plus, le Damien. Pour un peu, on soupçonne qu'il ne la lavera plus jamais. La poussière lui va, il est vrai, comme un gant. « C'est beau ! » fait-il en admirant le lever du soleil, la tête de Florence posée sur son épaule. Pas du tout pressé de prendre le départ.
Pourtant, l'étape du jour est longue, très longue. On partira avec le lever du soleil pour se coucher lorsqu'il ira, lui aussi, se mettre au lit. On flâne pourtant, allant de la salle d'eau commune à la tente, de la tente à la terrasse de l'auberge pour prendre le petit déjeuner, de la terrasse à la voiture pour tasser tout ce qu'on peut dans le coffre (quand on pense qu'ils étaient tous bien rangés au départ, là, il vaut mieux que les douaniers ne demandent pas à fouiller, c'est un vrai bric-à-brac !). Yves Tilliez, lui, est bougon. Le Land Rover de l'assistance, si brillant sur la piste, fait grise mine ce matin. Plus de pression d'huile. A priori, la pompe ne débite plus. Il était prévu qu'il finisse la journée sur le Mol, il va la commencer et faire tout le parcours sur le 6x6 d'assistance. Et Yves va se retrouver dans le Trafic. Après la panne d'essence d'hier, l'assistance n'est pas très fière ce matin. Autre panouille, la 403 cabriolet des Joly qui, pourtant, roulait super bien ces derniers jours après ses bafouillages du début. Sa dynamo ne charge plus (décidément, c'est une manie cette année !)
Caro profite de ces instants délétères pour demander à quelques concurrents ce qu'il y a de plus insolite dans leur auto. Philippe Roggeband n'hésite pas une seconde : il désigne sa fille Maud et affirme qu'elle est un «GPS sur pattes». On croit comprendre que Maud est bonne navigatrice, mais c'est une drôle de façon de le dire. Un autre brandit son boîtier de télépéage. «Je sais, avoue-t-il hilare, ça n'a rien à faire dans une auto ancienne, mais pour le retour ça me fera bien gagner un temps précieux aux péages. C'est qu'il faut que je sois au boulot lundi matin, moi ! » Le fils Hasse fait plus fort : il brandit un bonnet de Père Noël. C'était apparemment un pari et il a fait des photos qui, paraît-il, valent leur pesant de cacahouètes. Michel Duriez, lui, se contente de tirer sur les dread-locks de son petit-fils Nicolas en disant : «et ça, c'est pas original ?»
Lorsqu'enfin tout le monde s'égaie pour rejoindre la route, c'est par petits groupes et sans se presser. Passage par Rissani, la grande ville à côté de Merzouga. C'est l'heure de la rentrée des classes. Il y a des gamins partout. A bicyclette, quatre de front des deux côtés de la route, pas même inquiétés par les klaxons qui préviennent de l'arrivée d'un véhicule. Ils ne bougent pas d'un pouce, déboîtant même pour doubler leurs camarades à pied. Plus loin, du côté d'Errachidia, nous découvrons avec surprise une séance d'examen du permis de conduire. Si si, je vous assure, ils le passent ce sacré permis. Avec de vrais auto-écoles et sur un vrai parcours. Sauf qu'il n'est pas sur route, mais à côté de la route. Et qu'on ne leur apprend manifestement pas à klaxonner. Du coup, en passant, on leur rappelle que le clignotant local, c'est le klaxon...
<doc1396|center>Un peu avant midi, arrêt à l'auberge Jurassique, chez Zaïd. Caro et l'Estachouette y retrouvent les Laizin qui correspondent depuis deux ans avec Mouloud. Embrassades, échanges de cadeaux, on goutte l'huile de datte. Une consistance proche de celle du miel, mais un fort goût de datte. Tout le monde trempe ses lèvres avec circonspection dans le breuvage. Sauf Huguette qui prend carrément la bouteille et boit au goulot ! Sacrée Huguette, elle doit avoir l'estomac en béton. Beaucoup mangeront sur place le couscous aux 7 légumes que les cuisinières font ici à merveille.
Après le fameux tunnel du Légionnaire (il tient son nom du fait que ce sont des légionnaires qui l'ont percé, à la pelle et à la pioche !), la montagne revient se rappeler aux bons souvenirs de tous. Et notamment de l'Estachouette qui va se traîner dans les montées à moins de 40 km/h. A ce rythme, les heures défilent et le temps paraît de plus en plus long. Certes, tous ont envie de l'étirer ce sacré temps, mais tout de même, il y a des limites...
Lorsqu'enfin la montagne décide de rendre les armes (le paysage est toujours aussi sublime et varié), on finit dans la forêt de cèdres où vivent des singes en liberté. Le side-car désormais brinquebalant et tenant avec du scotch est déjà là. Michel Mazelin a décidé de troquer son habituel singe (c'est ainsi qu'on surnomme le passager qui survit dans le side) pour un vrai, un authentique. Il multiplie les tentatives d'approche, et finit par en convaincre un de grimper sur le panier. Mais il est pas fou le singe, il comprend vite ce qu'on attend de lui et il n'entend pas jouer les suicidaires. Il jette un regard circonspect au scotch gris qui entoure la moitié de l'engin, et pose un index sur le front, mimant un «vous êtes dingues ou quoi?» qui arrache à tout le monde un énorme fou rire. Il en profite pour s'éclipser, après avoir piqué une pomme dans les mains de Michel qui avait oublié de la lui donner !
Le reste du parcours est sans histoires. Les autos se croisent et se décroisent. Les sourires se font un peu plus tristes, on a même du mal à s'arrêter faire quelques emplètes. Lorsque la nuit tombe, tout le monde n'est pas encore à l'hôtel. Et ceux qui sont arrivés assez tôt se sont empressés de filer en ville, pour se promener sur la grand place et visiter une dernière fois les souks...
<doc1393|center>Demain, c'est la der des ders. La remontée sur Tanger et l'embarquement. Déjà ?

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