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Routes - 04-11 - Marrakech / Ouarzazate
C'est reparti. Après une journée de repos à Marrakech, mais surtout de dépenses farfelues dans les souks. Certains ont acheté des kilomètres de colifichets dont ils ne feront jamais rien, mais le pire c'est celui dont je tairai le nom par charité chrétienne qui a passé sa journée à chercher de... l'huile de ricin pour sa 403 ! Il a fait tous les garages, accessoiristes autos et autres officines dans lesquelles on trouve tout, sans rien... trouver. Allez, vous voulez savoir son nom ? Oui ? Franchement vous n'êtes pas charitables, mais puisque vous insistez, c'est... Daniel. Et il a même eu un complice dans ses recherches, Michel Duriez. Venir à Marrakech pour ça, hum, on se demande...
Ce matin, c'était donc à nouveau l'excitation du grand départ. Pour la première fois sous banderolle. Avec contrôle des essuie-glaces. « C'est important, précise Daniel. Il paraît qu'il y a de la neige dans le col de Tizi n'Tichkat. » Beaucoup doutent, mais puisque le chef l'a dit, c'est que c'est vrai. Un chef a toujours raison, c'est un adage marocain. Au moins aussi important que ceux lus dans le livre sur ce que doit faire une bonne épouse marocaine pour son homme et que Christian Mommayou a acheté pour Nathalie. Les commandements sont évidemment à l'image de la considération que les machistes musulmans peuvent faire de la femme, mais ce que Christian ne dit pas, c'est qu'il est loin d'être le chef à la maison. C'est Nathalie qui décide. D'ailleurs, ce matin, elle a pris le volant et il n'a pas vraiment le choix. Ca n'a pas l'air de l'embêter, soit dit en passant. Comme quoi, on peut jouer les machos pour la galerie et se conduire en gentleman.
Le contrôle des essuie-glaces est un nouveau test. En quoi consiste-t-il ? C'est simple : on se présente au départ, Daniel stoppe le véhicule sous la banderolle, Patrick Labbé demande au conducteur de bien vouloir procéder à un test des essuie-glaces. Le pilote s'exécute et Gégé le breton surgit alors avec son pistolet à eau pour arroser, non pas le pare-brise, mais... les occupants du véhicule. « Ben, c'est ballot, ils n'essuient pas à l'intérieur ! » Tous les concurrents y ont eu droit. Douche froide pour démarrer, ça défrise ! On avait inauguré ça sur la piste, il n'y avait pas de raison que les routiers n'en profitent pas !
Avec Daniel, nous partons les derniers à bord de son cabriolet 403 qui marche du feu de Dieu depuis qu'il a troqué sa tête d'allumeur Marche Mal pour une tête mieux adaptée à son allumeur (il a un Ducellier, forcément, ça marche moins bien !). Nous avons vite fait de rattraper les premiers participants et nous les doublons les uns après les autres pour les photographier en pleine action. A l'évidence, tout le monde a décidé de prendre son temps aujourd'hui. Nous avons eu beau leur expliquer que le parcours semble court sur le papier (200 km environ), il faut grimper jusqu'à 2260 m et la montée dure une quarantaine de kilomètres, avec des virages serrés et un gros trafic. Une voiture moderne rallie Marrakech à Ouarzazate en quatre heures de temps. Les anciennes, forcément plus. Surtout lorsqu'elles décident de s'arrêter dès les premiers hectomètres à la première boutique de fossiles venue. Pour y acheter les « belles pierres du désert, toutes pleines de la couleur ». En fait de vulgaires cailloux repeints à la bombe, il suffit d'humecter le doigt et de le passer sur la couleur pour s'en convaincre. Mais bon, le touriste est aveugle, c'est bien connu. Plus on monte, plus les boutiques se multiplient, une par virage ou presque. Et il y a plus d'une centaine de virages ! Les prix avec. Un œuf poli vaut 10 dirhams en bas, 40 en haut. Pareil pour une assiette peinte. Les plus malins attendront de redescendre sur Ouarzazate pour faire leurs emplètes. Les autres paieront le prix fort.
Comme depuis le début du rallye, des groupes se sont formés par affinités. On sait que les Laizin, Mazelin, Beauvais et Chaintreuil font route ensemble. Les Collonge en font autant (tiens, au fait, où est passée la 500 ? Elle ratatouillait et il a fallu changer le condensateur de l'allumeur), tout comme Philippe et Olivier avec leur Mercedes qui ne quittent pas d'une semelle la 2CV de Paul de Bordeaux (et pas Claude de Marseille) et la 203 des Perriot. « Ils ont tout dans leurs coffres. Même le barbecue. L'autre jour, d'ailleurs, nous nous sommes arrêtés sur le bord de la route pour acheter des côtes de bœuf que nous avons fait griller pour les déguster. Un vrai bonheur. » Aujourd'hui, ils pique-niquent dans le lit d'un oued qui, il y a quinze jours, était en cru. Quinze bons centimètres d'eau ! « Ouais, et ben aujourd'hui, on a 15 cm de pinard, et du bon, c'est du bordeaux ! »
La montée sur le col de Tizi n'Tichka est longue et certaines autos ont bien du mal, à l'image de l'Estachouette ou de l'Ami 8 d'Huguette et Thierry, ou encore des 2 CV. Mais tout le monde finit par se retrouver tout en haut. Au moment où un bus de Japonais arrive, se gare en travers alors que nous avions rangées les voitures par marque et par modèle, pour faire joli. En descend, en courant, un premier nippon appareil photo à la main qui se précipite vers la plaque signalant le col, fait une photo, se tourne de 90° en fait une seconde, pivote de 90° clique une troisième fois, retourne de 90° et clac, il réappuie. Avant de foncer se réfugier dans le bus. Entre-temps, des dizaines de japonais font la même chose. Et en moins de dix minutes, ils ont tout photographié euh, quoi au juste ? Avant que le bus ne reparte sur les chapeaux de roue. Blague nippone : « c'était comment tes vacances ? » « Je ne sais, je n'ai pas encore développé les photos ! » On l'a vu de nos yeux vus, c'est de l'authentique ça monsieur.
Les boutiques attirent les touristes que nous sommes. Il faut négocier âprement les prix ou apprendre à troquer. Une paire de Converse usagée, look militaire, se négocie trois chèches, quatre assiettes et un éléphant taillé dans une espèce de pierre polie. Pas mal, non ? Mais ce qui se négocie le mieux, c'est encore les Gazelles qui nous accompagnent. Agnès Baverey a longtemps tenu la cote avec « ouicentmil chameaux ». Depuis, c'est Clara, la fille des Riberolles qui emporte le morceau. 900.000 chameaux ! Son père n'a cependant pas voulu la troquer. Gentil. « Ouais, c'est surtout que je ne sais pas ce que j'en ferais de ces chameaux. Et d'abord, qu'est-ce qui me prouve que le gars est capable d'en réunir autant ? » Rien. D'autant plus que, d'après nos sources, il n'y a pas de chameaux au Maroc, mais des dromadaires...
Les pauvres marchands ne savent pas que, cette année, les gazelles ont affûté leurs armes pour venir faire du négoce au Maroc. Ils vont trouver de sérieuses adversaires en la personne de Blanca et Caroline qui ont rempli leurs véhicules d'objets divers et variés pour faire du troc. Et voila Blanca qui déroule par terre, à même le sol de la boutique un duvet et quelques chaussures toutes droit sorties du coffre de la Traction. Et elle fait l'article : regarde ces nu-pieds quasi neufs, peu servis, avec même une bride ! Et Abdul demande : "t'as pas chaussures de sport ?" Et non, c'est comme dans le sport, on peut pas gagner à tous les coups ! De palabres en discussions, de négoce en trocs, les gazelles ressortiront de la boutique chargées de colliers, plats, tajine et autre articles sous les yeux ébahis des gazous qui déjà se demandent où ils vont caser tout ça. "Ta Gazelle, tu sais, elle est dure en affaire, mais elle est belle ! Inch Allah."
Après les achats, tout le monde s'égaie. Ca descend plus ou moins rapidement sur Aït Benhadou, un village classé au Patrimoine de l'humanité par l'Unesco, ou pour visiter les studios de cinéma Oscar, à l'entrée de Ouarzazate. Du coup, ça tarde à rallier l'arrivée. Certains profitent même du temps qui leur reste pour rallier Aït Benhadou par la piste, à l'image des Riberolles et de leur Estachouette et des Azéma avec leur 203. 6 km de caillasse pour profiter autrement d'une arrivée à nulle autre pareille sur ce village.
Au fil des kilomètres, on remonte des attardés qui déjeunent. Y'en a même qui on sorti le cassoulet en boites, réchauffé sur le bord de la route sur un petit réchaud scotché sur le side-car (devinez quel équipage ?) partagé avec les 201, 227 et 270. Dur dur un cassoulet par cette chaleur, il leur faudra un deuxième arrêt café pour repartir de l'avant et Diabolo et Satanas se sont éclatés aujourd'hui, mais comme disent les jeunes, ils sont rentrés CASSES ! Je crois même qu'ils sont allés faire une petite sieste nos deux cacous, les bras rompus par la route et le visage tanné par le soleil (après tanné, c'est quoi pour les prochains jours ?).
La route continue jusqu'à Ouarzazate ; les paysages changent, un peu moins de cailloux, un peu plus de vert : des palmiers, des peupliers, il y a de l'eau au fond de l'oued ; elle est un peu jaune mais peu importe, les femmes y lavent le linge et l'étendent sur les murs rouges (au fait, le linge il ne ressort pas orange ?). Les villages sont rares mais les noms enchanteurs : traverser Tzagzagouine c'est dépaysant, non ? En arrivant dans le Sud, on commence a voir les enfants quémander au bord de la route et même essayer d'arrêter les voitures. Certains en ont fait l'expérience à midi ; pour s'en sortir, il faut parfois être très ferme. Mais les adultes ne sont pas en reste : au bord de la route, une vieille voiture arrêtée, le capot ouvert. 3 gars à côté, dont un habillé d'une djellaba bleue (celle qui est vendue pour les touristes) qui cherche à arrêter les passants : "j'souis en panne, tu m'emmènes au prochain village ?" Et ça finira en couscous tapis ! Estachouette ne se fera pas avoir : attends l'assistance, elle suit ! En fait, dans le rétro on les voit fermer le capot !
Nous, nous devons revenir en arrière. Demain, nous retournons en France après cette escapade. Et j'en profite pour conduire à la marocaine, comme nous l'a appris notre chauffeur de taxi d'hier, Abdul. « Ca passe ou ça casse, et si ça casse, ça débarrasse. » Le principe est simple. Repérer le klaxon et ne jamais lâcher le pied de l'accélérateur. Viser la ligne blanche centrale et doubler à chaque fois que c'est impossible. Un œil sur la route, un autre sur le bas côté, un troisième dans son dos pour anticiper le coup de trafalgar du camion ultra chargé qui a déboité sans clignotant et entrepris de doubler la file des peureux, vélos, mobylettes, charrettes, piétons, ânes, moutons qui s'aventurent sur la chaussée. Pour doubler, pas de souci. Un coup de klaxon suffit. Tout le monde se pousse sur le bas-côté. On dépasse en prenant son temps pour préparer le prochain dépassement. L'œil voit loin. Le camion qui arrive en face a des vélos à doubler, il va donc se déporter. Il faut juste calculer le moment exact où déboiter à son tour pour le croiser là où c'est le plus large. En évitant la mobylette et ses quatre passagers qui, vous le savez, va se mettre à traverser la route devant vous. Le klaxon, c'est l'arme absolue. Le mien fait un bruit du diable. Ca se pousse sans rechigner et conduire à la locale pousse ceux qui vous suivent à faire de même. On fait donc la course à plusieurs. Le plus lâche abandonne. Le plus inconscient finit dans le fossé. Un zeste de mesure s'impose, mais pas trop, pour ne pas se faire manger par un âne un rien excité et son cornac hirsute qui a entrevu une légère faille dans la file qui est devant lui et veut doubler à son tour alors que vous arrivez à fond de ballon... Inch Allah, ça passe ou ça casse. Ca passe... Trois heures de ocnduite à ce régime, ça vous lessive ou ça vous déprime, c'est selon. Parfois, ça excite. Là est le danger. En attendant, nous sommes arrivés sains et saufs. Ouf...
Nous retrouvons Marie-France restée sur place et qui en a profité pour visiter les souks. Elle est revenue en bus. « Pas simple. D'abord, il faut rentrer à 100 dans un espace prévu pour 50. Ensuite, il y a eu une altercation entre une jeune femme hystérique et un monsieur d'une soixantaine d'années. Ce dernier l'aurait soit-disant bousculée. Les insultes ont fusé, la fille a pété un câble. Un imman s'en est mêlé. Palabres, palabres. La fille hurle, tempête, griffe. L'homme continue à parler. La fille veut frapper le vieux monsieur. L'imman est toujours là... Et finalement, au bout d'une demi heure, il réussit un miracle. La jeune femme et le vieux monsieur s'embrassent, sous les applaudissements du public. » Pas mal non plus le voyage en bus...
A Ouarzazate, les retardataires finissent par arriver. Daniel annonce 35 km de pistes pour ceux qui le souhaitent demain. Il y a beaucoup de volontaires. Ca promet pour demain soir...

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