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Routes - 02-11 - Essaouira / Marrakech
Le parcours balisé par le road-book traçait une ligne droite directe, entre Essaouira et Marrakech. Mais Daniel l'avait dit au briefing, la route du sud qui finissait dans la montagne pour redescendre sur Marrakech était nettement plus sympa. Avec, pour certains, un passage par des pistes, histoire de s'offrir quelques sensations. Mais surtout, des paysages magnifiques et une route qui serpente avec férocité dans d'interminables montées et descentes. A ce petit jeu, devinez qui s'est éclaté le plus ? Michel Mazelin et Jacques Bieber, surnommés désormais Satanas et Diabolo, avec leur side venu tout droit de l'enfer. Arc-boutés sur leur machine, faisant corps avec les sinuosités de la route, ils ont passé la journée à flirter avec le précipice ou les rochers, doublant dans d'improbables glissades des camions scotchés au bitume, en plein milieu de la route, se tirant la bourre avec le Land Rover de François Beauvais, la Traction des Laizin, et le VW 181des Chaintreuil. Ce sont les incontestables vedettes d'une journée qui a été riche d'émotions pour eux car le matin, ils se sont arrêtés dans un garage pour faire réparer le pneu explosé la veille. Explosé est d'ailleurs le mot, parce que Michel ne fait jamais les choses à moitié, il a arraché la valve et déchiré la chambre à air sur une bonne dizaine de centimètres. En voyant le side-car, le garagiste s'est marré et a trouvé plus intéressant de réparer la chambre à air que de la changer. « T'inquiètes pas, c'est facile », qu'il a assuré à un Michel incrédule. Surtout lorsqu'il l'a vu sortir un fer à repasser et des bouts de caoutchouc. « C'est de la vulcanisation maison, ça marche ! » De fait, une heure plus tard, la chambre à air était refaite et étanche. En patientant, le garagiste leur a suggéré d'aller visiter l'attraction locale, le pressoir à huile. Enorme ! 30 cm au garot ! Il en est fier le garagiste, Michel et Jacques n'osent pas montrer leur déception devant ce truc tout noir et minuscule... Ils reviennent, tout sourire, et le gars les invite à manger avec sa famille la tajine. Plus sympa tu meurs. Pour le remercier, Michel l'invite alors à faire un tour dans le cercueil, euh pardon, le side. Le gars grimpe, pas très rassuré et cherche un endroit pour se tenir. Il n'y en a pas. Il regarde Michel, esquisse un vague sourire contrit et ferme les yeux, pour signifier qu'il est prêt. Dix minutes plus tard, il est hirsute, tout sourire et jure qu'il s'offrira un jour un side. Il refuse, du coup, que Michel paye la réparation. Michel insiste. Au bout d'une demie heure, enfin, le garagiste finit par accepter l'équivalent de 6 euros... Imaginez le même souci en France...
Les belles histoires se multiplient cette année. La plus jolie de la journée, celle de Florence et Damien Danière (Fiat 850). « Un de mes oncles avait épousé une marocaine qu'il avait emmenée en France, raconte Florence. Je l'adorais, mais lorsque mon oncle est décédé, ma tante a préféré rentrer au Maroc, à Safi. Chaque année, je lui envoyais une carte postale et là, je me suis dit que c'était l'occasion de passer la voir. Ca faisait 17 ans que nous ne nous étions pas vues. C'est une vieille dame aujourd'hui et nous sommes tombées dans les bras l'une de l'autre. C'était une émotion incroyable. »
A Essaouira, pas mal de participants ont profité du temps libre pour aller au souk et visiter les petites boutiques dans lesquelles on travaille les racines de thuya pour réaliser des boîtes en bois tourné, avec vernissage au tampon. Magnifique. Entendu dans le souk : « On dit une tajine ou un tajine ? » On hésite. Gérard Leconte tranche : « On est plusieurs, on dira des tajines ! » Malin.
Sur la route prévue par le road-book, traversée de Sidi Moktar, le village des « Pigeot ». Des 404 à la pelle, comme si elles venaient toutes mourir là, sauf qu'elles roulent toujours, pour la plupart. C'est étrange, c'est un peu comme si une force surnaturelle attirait les derniers exemplaires survivants à cet endroit. Dommage, dans le groupe, nous n'avons pas de 404... Elle aurait sans doute terminé sa route ici.
A midi, les pauses pique-nique permettent de faire des rencontres. On y croise cependant des groupes solides, à l'image des Collonge qui voyagent en famille. Ils sont trois frères et ils ont entraînés leurs proches dans la foulée. Une vraie fratrie qui partage même la couleur de leurs autos, l'Opel Kadett de Jean-François et Michel arborant le même jaune moutarde que la Fiat 500 de Jean-Pierre. Aujourd'hui, leur repas est un peu moins gai que d'habitude. A la sortie d'Essaouira, ils ont assisté à un accident. En doublant une mobylette, un autobus a dû brusquement se rabattre ne voulant pas lutter avec un camion arrivant en face. Heurtant du coup la mobylette et son conducteur. Lequel finit dans le fossé. Le bus s'arrête, la fratrie Collonge aussi. L'homme est blessé mais, heureusement, sans mettre ses jours en danger. Et les secours arrivent très vite...
Plus on se rapproche de Marrakech, plus on voit de cultures et des vignes. Avec, sur le bord des routes, des cultivateurs vendant des paniers remplis de raisins. L'Estachouette se détourne pour filer sur l'aéroport et venir chercher votre serviteur, son épouse et les Sauvat, Fifi et Corinne. Accueil digne de ministres, avec banderolles, là où les autres tour-operator se contentent d'un minuscule pannonceau, rikiki, souvent écrit à la mimine. Pas beaux ! Là, c'était la classe. L'aéroport est en pleine reconstruction, c'est un immense chantier à ciel ouvert et l'Estachouette fleurie est garée au milieu des taxis et voitures locales, sur un parking à l'extérieur. On mesure immédiatement le succès qu'elle a, les visages s'éclairant à son passage, les gosses se marrent, les adultes lèvent la main pour la saluer. Nous sommes neuf dans l'Estachouette. La famille Riberolles est au complet, il faut se tasser, mais c'est incroyable ce que l'on arrive à caser dans une Estafette. Petit gag. Figurez-vous que les Sauvat ont voyagé sans billets. A Orly, ils ont, comment dire, « oublié » de retirer leurs billets au comptoir de Royal Air Maroc. On leur a cependant délivré une carte d'embarquement (comme quoi, les contrôles, c'est de la foutaise) et ce n'est que dans l'avion qu'un stewart est venu leur demander les billets. Trop tard. Du coup, ce sont des passagers clandestins qui ont débarqué à Marrakech et nous avons dû les emmener à l'Hôtel Atlas, avenue Mohammed VI, dans les locaux de Royal Air Maroc pour tenter de leur faire récupérer des billets retours. Surprise de la fille qui les reçoit : « Mais comment avez-vous pu prendre l'avion ? C'est impossible. Vous ne devriez pas être là. » « Merci, ça fait toujours plaisir de se sentir bien accueillis » « Non, ce n'est pas ce que je voulais dire, mais il est techniquement impossible d'embarquer sans billets. » « Ben oui, mais on est là, alors on fait quoi ? » « Euh, ben, je peux pas vous délivrer de billets retours puisque vous n'êtes pas, officiellement, ici. Mais je vais le signaler pour votre vol retour et vous pourrez réembarquer, mais seulement virtuellement. » « Comment ça virtuellement ? » « Ben, comme vous n'êtes jamais entré, vous ne pouvez pas officiellement sortir. Vous n'aurez donc pas de billets mais vous pourrez prendre l'avion ». Etonnant, non ? On dirait du Labiche.
Le soir, Daniel nous avait préparé une petite surprise : « Prenez vos polaires, on monte à 3.000 mètres ! » Tout le monde dans les bus. Mais il ne faut jamais écouter Daniel. Les 3.000 mètres ne vont pas se faire en hauteur, mais en linéaire. Jusqu'au parc d'Ali. Un Disneyland à la marocaine.Gigantesque, kitsch à souhait, qui accueille 1.500 personnes par jour, quasiment 365 jours par an. Tout, ici, est fait pour que le touriste dépense un max. Photos avec les hôtesses à l'entrée, boutiques, parcours balisés et hop, on débouche autour d'une grande piste de sable noir. De fausses tentes (en dur), où l'on mange. Service ultra-rapide, un serveur par table (le site emploie 1100 personnes !). Soupe, chevreau grillé (un demi pour 8 personnes, soit plus de 20.000 par an !), couscous légumes-poulet, thé à la menthe et petits gateaux. En moins d'une heure, c'est plié. Place au spectacle. Une fantasia un rien molle. Avec des chevaux qui semblent s'ennuyer, bercés par une musique qui mêle airs locaux et hollywoodiens. Au son de la Guerre des étoiles ou de Carmina Burana, quelques acrobates font étalage de leur art, en sautant de leurs chevaux, pour les monter à l'envers, dessous, dessus, sur les côtés, rarement comme ça doit se faire. De temps à autre, un galop nocturne (mais où est donc la lumière ?) laisse deviner quelques cavaliers qui stoppent brutalement devant la tribune des VIP et lâchent une salve de leurs fusils d'opérette. Pfouaouf ! Ca ne fait rire personne, sauf Marianne qui pouffe à n'en plus finir. On se demande pourquoi. François hasarde que c'est parce qu'elle un problème de touchot. Pour comprendre, il faut se souvenir que, depuis le début, le touchot de l'allumeur de la R4 de Marianne est faiblard, si faiblard qu'il touche à peine le doigt d'allumeur. Dans l'allumeur, ça fait des étincelles, chez Marianne ça déclenche des fous rires. Ah, je vous jure, il faut parfois décoder dans ce rallye d'intellectuels !
Bref, c'est gentil chez Ali. Sauf que ça se termine en baston. Un mec, totalement bourré (si si, c'est possible, vu le pinard qui coule à flots), mais pas de notre groupe, est monté à bord de sa Mercedes, tellement déchiqueté par le Berrouane local (je vous jure, il attaque les neurones), qu'il n'a pas vu l'énorme autobus qui était à côté de lui. Il a reculé comme un malade et paf, il lui est rentré dedans. Sauf que c'était notre bus... Argh ! Que va-t-til se passer ? D'autant que le mec bourré a l'air furax. Le chauffeur de bus aussi, et ses collèges rappliquent. On extirpe le fautif qui refuse d'abord qu'on appelle la police, se fait alpaguer et ça finit par un échange violents de palabres puis, comme ça ne fait pas avancer le schmilblic, des coups. Enfin, c'est à sens unique, parce que le mec explosé ne réplique pas vraiment. Il aurait même plutôt tendance à brasser de l'air avec ses petits poings dressés vers rien du tout. Le vide. Il fait du vent, le gars. La police arrive. Tout le monde se calme brusquement et même le mec bourré reprend une contenance, comme si rien ne s'était passé. Il sort une liasse de biftons... On s'éloigne, ça sent l'arrangement. Mais non, le bakchich n'existe plus... C'est comme les billets d'avion... Virtuellement...
Petite douceur avant de vous laisser déguster ces quelques beaux moments : Angelo et Uwe aiment bien l'humour décalé. Pour la soirée chez Ali, ils avaient décidé de s'habiller en moines. Frère Angelo et Frère Uwe ? Mais ils ne trompent personne, impossible de leur donner le bon dieu sans concession, ils n'ont pas arrêté de faire des blagues sexuellement tendancieuses... « Ma, si tou veux te confectionner, viens sous ma soutane... »

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