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Piste - 15-10 - Zagora / Erg Lihoudi
Chaque année, nous avons une journée galère. Emaillée de multiples incidents, toujours sans gravité, heureusement, mais qui demandent une capacité d'improvisation qui nous laisse épuisés. Voilà, c'est fait ! C'était écrit, d'ailleurs, car dès les premiers hectomètres, le jardinage a gentiment commencé. La première piste, juste à la sortie de Zagora, est maintenant... goudronnée ! Mais pas là où se trouvait l'ancienne. Du coup, pas mal de participants loupent l'entrée et se promènent à droite ou à gauche. Il faut les rattraper, les remettre dans le droit chemin. Nous qui partons les derniers avec la Gégémobile, nous n'échappons pas au piège, mais notre GPS nous recale immédiatement dans le droit chemin. Et nous avons vite fait de retrouver le premier « blessé » de la journée. La Rodéo de Rémi Ducourneau et Rémi Chrétien, croisillon de cardan AR gauche cassé. Nous appelons immédiatement le camion de pièces pour qu'il en ramène un et, mus par un pressentiment... pressant, nous décidons finalement de faire venir les camions sur la piste. Ce n'était pas prévu, car certains passages seront difficiles pour eux, mais vous verrez que nous avons eu le nez creux.
A peine cinq kilomètres plus loin, c'est le Mercedes 300GD ede Jean-Jacques Grange et Patrice Mariani qui est arrêté. « J'ai un p... de bruit » fait Patrice en sautant de l'auto. Jean-Jacques se met au volant et, à l'oreille, on identifie le lieu du délit : l'ARG. Patrice se jette dessous et découvre, coincé entre le tambour et la jante, un caillou. Une fois enlevé, on repart. Encore quelques kilomètres, et c'est Jean-Claude Deparrois qui fait grise mine : une rotule de direction AVG cassée net... Heureusement, il y en a une dans le camion. Nous l'attendons et Alain Levasseur procède à la réparation.
Nous repartons mais la CB nous alerte immédiatement. Dans le camion RVI, Abdel a un souci. « Qu'est-ce qui se passe ? » « En se relevant, son crâne a heurté la portière, ça saigne grave ! » Pas de panique, nous essayons de joindre la voiture du médecin, conduite par François Branchu. Mais notre CB ne porte qu'à 10 kilomètres. Nous décidons de foncer sur la piste pour le raccrocher. L'aiguille du compteur s'affole, heureusement il n'y a pas de radar dans le désert. Secoués comme des pruniers, nous mettons vingt bonnes minutes à capter un premier cibiste qui joue les relayeurs et de relais en relais, nous apprenons que l'auto médicalisée est encore 20 bornes devant nous mais qu'elle a pu être prévenue et que le médecin arrive. Ouf ! D'autant que la blessure s'avère superficielle. Nous pouvons donc ralentir le rythme...
Plus loin, nous trouvons la R4 orange de Damien et Emilie, surnommée Général Lee. « Que se passe-t-il ? » Problème de carburation. « Mets en route ». Emilie se met au volant, lance le moteur. Il tourne péniblement sur un ½ cylindre. Si, si c'est possible, vous allez comprendre pourquoi. « T'as un problème d'allumage mon gars. Démonte tes bougies qu'on voit la tronche qu'elles ont. « Il extrait la première.L'électrode est soudée par la calamine. Forcément, ça n'allume pas. La seconde est à peu près correcte, mais les deux suivantes présentent le même symptôme. Pour nous, il ne fait pas de doute que le moteur Alpine Renault qui les propulse a une segmentation plus que douteuse. « Tes segments racleurs sont morts mon pauvre. Si tu veux continuer, faudra démonter tes bougies toutes les 10 bornes, les brosser, les remonter... » Bougies changées, ils peuvent repartir sans souci, mais en fumant vraiment bleu. Tiendront-ils longtemps ?
Le premier bout de piste avalé, nous empruntons la route qui descend sur Mhamid pour aller chercher la deuxième et longue piste qui doit nous conduire aux dunes de Chicanga où nous avons prévu de déjeuner et de nous amuser un peu avec les dunettes. La piste est changeante, cendrée au début et assez roulante, puis caillouteuse et ravinée, avant de laisser place à des zones de sable. Nous rattrapons ainsi pas mal de participants qui jardinent, plantés dans des creux sablonnés pour avoir oublié de dégonfler leurs pneumatiques. Mais le plus beau reste à venir. Le road-book précise bien qu'il faut tourner à gauche pour éviter le sable mou. Le Toyota de Jean-François Roumieu et Patrick Henry n'en fait qu'à sa tête (ce n'est pas pour rien que nous l'appelons l'électron libre) et il fonce droit sur le sable mou. Monsieur « 30 ans de prépa » (c'est ainsi qu'il se définit lui-même) se plante comme une grosse fraise dans de la Chantilly au beau milieu du passage. Enfoncé jusqu'au moyeu ! Jean-Pïerre Marigot et son Discovery tentent de l'en sortir mais sans succès. Heureusement, nous arrivons, et nous ne voulons manquer pour rien au monde ce moment de pur bonheur : l'arrachage d'un Toy par notre énorme HDJ. La Gégémobile s'avance, présente ses fesses au Toy, le croche avec sa sangle de remorquage et le sort sans même s'en rendre compte. Bravo Gégé.
Mais l'exploit a attiré les curieux. Arrivent, à tombeau ouvert, les Rodéo de Jean-Claude Deparrois (encore lui) et Alain Levasseur et la R4 des Marseillais Francis Latil et Alex Brun. Pleine balle et malgré nos signes désespérés, ils nous visent au lieu de filer sur la gauche. Et vlan, se plantent tous les trois dans le sablon. Bien comme il faut ! L'affaire se corse. Ce n'est plus une mais quatre voitures qui sont ensablées. Plus loin, un campement improvisé autour des camions Mercedes regarde la scène sans bouger une oreille. Daniel et Yves, seuls, viennent nous porter assistance. Mais leur Land n'est pas assez puissant et il s'ensable à son tour. Bref, c'est le grand b... Et pour pimenter le tout, voilà qu'arrivent le Moll qui passe tout tranquillement, le RVI qui n'a pas non plus le moindre souci et le Berliet qui... s'enlise ! Il était trop gonflé le bougre. Bref, pour sortir tout ce beau monde de l'ornière, il nous faudra une bonne heure. Dans le campement, ils ont fini l'apéro et attaquent le paté. Crevés, lessivés, nous réclamons une bière. C'est le moins qu'ils pouvaient faire non ?
Nous repartons sur l'avant, après avalé rapidos un petit morceau. Devant nous, plus personne ou presque. Nous naviguons au cap, comme nous en avons pris l'habitude depuis trois jours. Et nous fonçons droit sur les dunes. Nous croisons un groupe, conduit par Michel Podevin, essentiellement les Rouge, avec quelques bleus. « Nous filons sur le campement » nous annoncent-ils. Ils nous attendaient depuis plus de deux heures... Rien n'est décidément simple aujourd'hui. Lorsque nous atteignons enfin les dunes, le groupe des Verts est encore là, avec quelques blessés. La Général Lee est toujours en butte à des problèmes d'allumage et il vaut mieux la monter sur le camion pour la ramener au bercail. Le motard est allongé près de sa moto, il attend une roue de secours AR qui est dans le RVI. La Volvo a une patte en l'air, problème de frein à l'ARG... Jean-Claude Gillonier profite de notre arrivée pour faire repartir son groupe et seuls quelques-uns s'essayent sans véritable enthousiasme aux dunes. S'ensablant joyeusement. Encore du boulot pour la Gégémobile qui tractera une nouvelle fois le Toy « 30 ans de prépa ». Comme quoi, parfois, il ne faut pas trop la ramener...
Nous attendons tranquillement les camions qui étaient derrière nous, mais le temps passe et nous ne les voyons pas arriver. Ont-ils eu un problème ? La Gégémobile reprend du service et repart en arrière. Cinq, dix, vingt kilomètres. A fond la caisse. CB hurlante ! « Gégémobile aux camions d'assistance, vous êtes où ? » Nous comprenons rapidement qu'ils ont dû emprunter la bifurcation vers le bivouac au lieu de filer sur les dunes. Pourquoi ? On s'en fiche. Il faut les rattraper pour leur faire faire demi-tour. Arrivés à la tournée, pas de chance, nous trouvons une Rodéo, celle de Rémi Ducourneau, les fesses posées sur le sable. Ils sont effondrés : leur bras de suspension ARG est ouvert et dessoudé, il repose carrément sur le cardan et a commencé à l'usiner...Un blessé supplémentaire à rappatrier. Nous alertons Daniel et continuons notre route.
Et, enfin, nous retrouvons nos camions qui ont pris, comme on s'en doutait, la mauvaise route. Explications et hop, demi-tour pour le Moll qui va pouvoir transporter le Rodéo et pour le RVI qui va ramener le pneu au motard. Le Gazelle va, lui, repartir derrière François qui ne véhicule plus seulement le médecin, mais également la R4 orange, Général Lee. Elle tangue mais poursuit vaillamment. Le motard, lui, s'est avancé avec son pneu crevé pour rejoindre la Rodéo et nous nous regroupons tous à ce point. Ouf ! Voilà une première affaire de réglée. IL va y en avoir d'autres. De partout, la CB crache ! « Nous sommes ensablés » « Nous sommes perdus », « Elle est où la piste ? » Malgré son guide, Chacal (ça ne s'invente pas), le groupe Vert souffre sur une piste réputée pourtant plus praticable. Nous, dans la Gégémobile, nous décidons de shunter quelques points GPS pour tracer tout droit vers le bivouac. Hors-piste. Les bagages vont en souffrir, les passagers aussi. Mais bien nous en prend et il doit y avoir une étoile qui veille sur ce rallye car nous trouvons au milieu de rien le Toy de Philippe Tranchon et Jean-Luc Quéro. « Qu'est-ce que vous faites là, les gars ? » « Hum, on s'est un peu perdus, je crois. » « Un peu ? Vous êtes juste à dix kilomètres du point GPS le plus proche ! » « Ah ? » Nous abandonnons notre remontée au cap pour les ramener dans un petit grupetto avant de poursuivre notre route. Mais là, sur le côté, nous voyons brusquement la 2CV de Christine Margueritat et Bertrand Marcesche. Ils partent droit dans la mauvaise direction. Nous nous lançons à leur poursuite pour les rattraper et les remettre sur le droit chemin, lequel s'avère extrêmement sablonneux. Bertrand se débrouille comme un chef dans le sablon, mais le sable est vraiment très très mou. Même dégonflé à 1 kg, il parvient à s'ensabler. Nous décidons donc de rester avec eux pour les ramener au bercail en les tirant parfois. Nous croisons le RVI qui a récupéré la Volvo qui va devoir subir le tractage dans la zone la plus délicate avant de reprendre sa route et nous finissons, enfin, par atteindre le bivouac alors que la nuit est tombée.
Je suis à peine descendu de la Gégémobile que nous apprenons que la 403 manque à l'appel, tout comme les camions Mercedes et le Land de Gilles Viet. Heureusement, le téléphone passe et je parviens à joindre Alain Mamou. Leur 403 est à Mhamid, dans un garage, radiateur percé. Les deux Mercos et le Land étaient avec lui et ils rentrent au bivouac avec un guide. Finalement, Alain et Pierre Maquet resteront sur place pour surveiller la réparation et nous leur conseillerons de rejoindre, demain, la caravane Trafic que nous allons mettre en place pour que les blessés et les fatigués rejoignent Merzouga par la route.
Mais l'histoire n'est pas terminée. Malgré son guide, le groupe Vert n'est toujours pas là et il faut finalement leur envoyer un 4x4 local à leur rencontre pour qu'ils retrouvent leur chemin. Nous finissons par voir leurs phares à 500 mètres. Il est 20h passées. Ils ne bougent pas. Nous comprenons qu'ils sont tankés dans le sable. Or, dans le groupe, il n'y a qu'un 4x4 et un Dangel pour sortir les deux roues motrices de la mouise. Nous organisons au plus vite un groupe de rapatriement mais ça va prendre du temps de ramener tout le monde, un par un, tracté par des 4x4 jusqu'au bivouac. Il est déjà plus de 21h30 lorsque les derniers arrivent. Ouf ! Tout le monde est là. Sain et sauf. La plupart des participants viennent accueillir les malheureux rescapés, fourbus, lassés par cette journée de galères. Certains sont énervés et on le comprend. Mais c'est l'Aventure avec un grand « A » qu'ils viennent de vivre aujourd'hui. Une expérience unique, comme on peut en vivre dans des épreuves bien plus prestigieuses. Jamais dangereuse, mais difficile. Il en faut pour nourrir les souvenirs de tous. Nous garderons les beaux élans de solidarité, notamment de Patrice et William qui ont ramené l'équipage de la Rodéo et de tous ceux qui se sont détournés pour tracter quelques deux roues motrices en difficulté. Nous oublierons les rares qui ont passé leur chemin en oubliant ceux qui étaient dans la détresse. C'est pas joli joli, mais bon, dans un groupe, il y en a toujours qui font un peu bande à part et pensent d'abord à eux, à leur douche, à leur propre histoire avant de s'ouvrir aux autres. Mais ils ont vu l'élan de solidarité qui a soudé des liens qui seront indestructibles. Espérons qu'ils s'en souviendront demain ou un autre jour...
Tout le monde est arrivé. Les musiciens, par pudeur, ont attendu que la dernière auto soit là. Le dîner est repoussé jusqu'à ce que les derniers arrivés aient pu prendre une douche dans le bivouac superbement organisé. Demain matin, lorsque le soleil se lèvera sur le paysage grandiose qui nous entoure devrait avoir effacé les dernières traces de la journée.
Tout le monde ? Pas tout à fait. Nous vous avons gardé le meilleur pour la fin. L'an passé, si vous vous en souvenez, Didier Auvolat avait failli perdre son épouse dans le désert. Cette année, il a décidé de faire encore plus fort pour lui offrir, sans doute, des souvenirs à jamais ancrés dans sa mémoire. Il a donc cassé une barre de torsion sur sa Rodéo. A une vingtaine de kilomètres de l'arrivée. La 404 de Florian et Vincent décide de rester avec eux. En attendant les secours. Problème : nous ne sommes pas au courant. Le temps passe. La nuit tombe. Lorsque nous finissons par les joindre au téléphone, ils sont loin d'être inquiets. On leur suggère de planter leur tente et de bivouaquer. Il n'est pas raisonnable d'envoyer les camions de nuit. Nous préférons attendre 5 h demain matin pour les faire partir. Ca n'a pas l'air de les émouvoir : ils ont sorti les apéros, les saladettes, la musique. On vient de les avoir au téléphone, ils sont morts de rire. Demain, promis, on vous les ramène dans le groupe ! En attendant, on pense fort à eux...
Il est minuit passé. Pas le courage de vous mettre des photos car le briefing de ce soir a été quelque peu houleux et tendu. Mais comme nous aimons bien crever les abcès dès qu'ils se forment, tout s'est bien arrangé et la nuit portant conseil, nous verrons bien s'il reste encore des participants demain au départ... Hahaha...

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