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Piste - 13-10 - Oasis de Fint / El Kelaa N'Gouma
Les difficultés vont crescendo. Cette année, à la demande générale, nous avons fait monter d'un cran les défis techniques, tout en restant dans un cadre extrêmement sécurisé. Aujourd'hui, nous montons sur le col de Tizi n'Tichka pour rejoindre la piste à Telouette et redescendre jusqu'à Aït Benhadou. Un parcours escarpé qui slalome entre plusieurs vallées, au milieu de paysages changeants. Avec la Gégémobile, nous avons décidé de faire le parcours à l'envers. Les participants vont descendre la piste ? Nous, nous allons la remonter, à leur rencontre. Pour faire quelques photos que nous espérons spectaculaires.
Nous laissons partir tout le monde avant de nous mettre en route. Nous avons, en effet, largement le temps car ils ont d'abord une centaine de kilomètres à faire pour attaquer la piste. Nous, à peine une trentaine, le but étant de les retrouver dans le premier tiers des difficultés. A l'oasis, restent cependant les Le Besne (Thierry a une turista maousse costaud) et l'équipage Yves Gaveau/Marie-José Briez qui ne se sentent pas bien non plus. Ca y est, les premières bobologies apparaissent. Le toubib a d'ailleurs pas mal de boulot depuis deux jours. Depuis, en fait, que nous l'avons officiellement présenté au groupe. Il a ainsi remis une épaule, celle de Françoise Panele, une cheville, celle d'Annie Kaus et il a distribué pas mal de pilules contre le mal de ventre, notamment à Daniel, qui a passé une nuit à quatre pattes.
Nous ne retrouverons pas non plus la 403 de Pierre Maquet et Alain Mamou sur la piste. Ils sont solidaires de leurs copains de « Vincennes en anciennes », le Toyota BJ46 de Jean-Philippe Roumieu et Patrick Henry. Celui-ci a des soucis de freins (des garnitures décollées). Il faut intervertir deux tambours et shunter l'un des tambours pour pouvoir continuer. Mais avec trois tambours sur quatre, ce n'est pas très sérieux de faire l'étape d'aujourd'hui. Ils auront donc le temps de jardiner... Enfin, les deux camions Mercedes sont dispensés parce qu'ils... ne peuvent pas passer. Le chemin est étroit, les virages très serrés et surtout la montagne vient parfois surplomber les véhicules ou s'avancer tellement sur le peu de piste restante qu'ils ne peuvent pas, physiquement, passer. Ils iront cependant jusqu'à Telouette avant de faire demi-tour.
Avant le départ, les rumeurs vont bon train. J'apprends ainsi que, contrairement à ce que m'avaient assurées des mauvaises langues, le Nissan de Pascal Lucas est revenu par ses propres moyens, pas sur le plateau. Son problème de pompe semble plutôt provenir du puits de jauge car il a suffi de rajouter vingt litres pour qu'il reparte. Il faudra regarder ça de plus près. Autre nouvelle passée inaperçue : la Jeep de Michel et Pierre Walter a cassé, hier soir, un croisillon de cardan à cinq kilomètres de l'oasis. Il en avait heureusement un dans sa cantine de pièces détachées. Le temps de prévenir l'assistance et la pièce arrivait avec les mécanos. « Et une demie-heure plus tard, malgré la nuit, je repartais pour terminer l'étape. Un grand coup de chapeau à l'assistance. De toutes façons, maintenant c'est décidé, je ne pars plus en voyage sans l'assistance Africa-Gazoline ! » Et la plus jolie de toutes : la 504 break des Fontaine a connu un petit problème mécanique sur la piste. Jean-Claude Gillonnier a, comme à son habitude, mis ses gants, soulevé le capot et demandé, dix secondes plus tard, de remettre en route. Et vavavroum. Josiane Fontaine n'en est pas encore revenue : « cet homme-là, dit-elle, il suffit qu'il fasse l'imposition des mains et le moteur repart. » Plus modeste, JC m'avouera plus tard que le fil d'excitation de l'alternateur s'était débranché...
L'équipage de la Gégémobile pète la forme. Jean-Claude Feuvrier nous a rejoint et c'est à quatre nous quittons la route de Marrakech pour nous engager sur la montée vers Aït Benhadou, village classé au patrimoine culturel de l'Unesco. Les 4x4 de touristes français et allemands sont déjà en place et ça mitraille dans tous les sens. Nous prenons le temps de faire comme eux, mais plus discrètement car de partout monte l'appel à la prière. Aujourd'hui est en effet une journée spéciale, c'est l'Aïd, la fin du Ramadan. Toute la journée, les immans vont appeler les fidèles à prier. Ils revêtent leurs plus beaux vêtements, essentiellement blancs légèrement rayés de gris, pour partir en procession en scandant des versets du Coran et gagner un lieu bien précis dans leur village ou à l'extérieur de celui-ci. Là, ils prient Allah avec ferveur, sous le regard des enfants endimanchés, tandis que les femmes préparent le repas de fête et que les filles revêtent leurs plus beaux atours. Nous aurons très peu droit aux habituels « Nama stylou » qui rythmaient nos journées. C'est le sourire et l'échange qui vont prévaloir. Pierre Prin, notre motard, va ainsi vivre une expérience qui le laisse encore tout ému lorsqu'il la raconte. Il avait pris pas mal d'avance sur la troupe des 4x4 et avait même remonté les deux précédents groupes lorsqu'il s'est arrêté pour faire une petite pause, à l'entrée d'un village. Là, une petite fille lui a proposé une grenade. « J'ai d'abord dit non, puis je me suis dit, c'est bête, tu adores ça, et j'ai fait demi tour. Par contre, je ne savais pas quoi lui donner en échange. Je ne voulais pas donner trop d'argent ou pas assez. Sa mère est arrivée. Je lui ai demandé combien je devais donner. Elle m'a dit ‘Ce que tu veux'. Ca ne m'aidait pas beaucoup. J'ai dit ‘5 dirhams ?' Elle m'a dit ‘viens boire le thé'. J'ai hésité mais comme j'avais beaucoup d'avance, j'ai accepté et elle m'a amenée dans sa maison. J'ai passé une heure avec eux et toute la famille qui passait, et venait boire le thé. C'est la fête, qu'ils me disaient tous. J'ai passé un moment formidable à parler avec le petit garçon qui traduisait tout. Et ils m'ont peint la paume des mains avec du héné. Lorsque j'ai voulu payer, ils n'ont rien voulu savoir. ‘Donne-nous juste un cadeau, pour le geste' Mais moi, je suis en moto, donc je n'ai pas grand-chose. Je leur ai donné la seule chose que j'ai trouvée, un... rouleau de scotch. Mais j'ai pris leur adresse et je leur enverrai quelque chose... Mais quel moment de bonheur ! »
Avec la Gégémobile, nous attaquons les premiers hectomètres de piste sous un soleil de plomb. La piste monte très rapidement, avec des pourcentages impressionnants et nous imaginons avec peine comment les petites R4 vont pouvoir passer. Surtout celle de Francis Latil et Alex Brun, avec ses deux roues motrices. Mais leur auto est réhaussée et nos deux lascars ont fait de sacrés progrès depuis la Tunisie. Ils passeront sans souci, même dans l'oued, malgré l'eau arrivant jusqu'aux portières. Le terrain est changeant : dur, mou, glissant, accrocheur, caillouteux, boueux... La vitesse moyenne ne dépasse pas les 15 km/h. Et nous mettons deux bonnes heures avant de retrouver les premiers à descendre. Ils sont guidés par Michel Podevin mais ils sont très espacés. Les deux premiers groupes se sont emmêlés au gré des dépassements qui sont pour le moins hasardeux. Le moindre arrêt pipi permet de doubler. Mais le plus drôle, c'est lorsqu'un véhicule arrive en face. Nous par exemple. Priorité au montant ! Ils doivent donc reculer jusqu'à trouver un endroit où se poser. Mais ce qu'ils ne savent pas encore, c'est que, derrière nous, arrivent quatre gros 4x4 pour touristes. Quelques minutes plus tard, nous entendons crachoter la CB. Michel est parti négocier avec les 4x4 qui n'avaient manifestement pas l'intention de les laisser passer. Mais il leur expliquera que nous sommes plus nombreux, pas très aguerris et espacés sur les 15 km qu'il leur reste à parcourir. Ca peut être saignant ! Ils se laisseront finalement convaincre de laisser le passage et nous passerons le mot pour qu'à notre tour, nous leur facilitions la montée.
Tous les participants mettront plus de 3h pour descendre les 45 km de cette piste exceptionnelle. Ca donne une idée de la difficulté du parcours. Mais ça en valait la peine, tellement les paysages sont exceptionnels, les villages étonnants et les gens agréables.
Pas trop de casse malgré cette piste cassante. C'est que tout le monde a roulé prudemment, à petite vitesse. La Rodéo de nos bretons, HP et JP (n° 46), a malheureusement dû rebrousser chemin. Hier, ils ont changé les amortisseurs et, dès les premiers hectomètres, ils ont cassé un tirant. Ils le ressoudent ce soir. La Rodéo de Rémi Ducourneau est également passée à la soudure, un tirant de la transmission Sinpar devant être renforcé. La R4 de nos jeunes Damien et Emilie est toujours en délicatesse avec sa barre stabilisatrice et, comme le raconte Emilie, "lorsqu'on met en route le lave-glace, ça change la musique" ! Mais dans l'ensemble, ce n'est que de la bobologie. L'assistance comme les participants vont donc pouvoir prendre une douche, se reposer un peu et se prépare au match de rugby. Car figurez-vous que l'hôtel qui nous accueille, le Ksar Kaissar, a acheté pour l'occasion une antenne satellite et un grand écran pour que nous puissions participer, avec vous, à cet événement. Sympa, non ? Bon, la France a perdu... Tant pis, nous, nous nous consolerons avec l'étape de demain qui promet d'être encore plus grandiose.

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