La route d’aujourd’hui ne présentait qu’un très vague intérêt. Un long ruban de bitume que l’on restaure par endroits (on ne compte plus les nids de poule), à l’ancienne, en projetant du goudron sur un lit de gravier même pas stabilisé. De part et d’autre, de la poussière, quelques arbres essayant de trouver de l’eau pour survivre (pas étonnant qu’on y trouve en grande quantité des arbousiers, mais sans les chèvres qui leur grimpent dessus habituellement), des villages dévastés par la pauvreté qui, à mesure qu’on avance vers Essaouira, se fait de plus en plus intense. Jusqu’à culminer à Sid L’Mokhtar.

Même les ânes doivent passer à la station-service pour faire le plein !

Pour les Christ, le coup de la panne, c’est récurrent. Mais il semble, cette fois, que la source du problème qui les occupe depuis le début ait été identifiée…

Comme toujours, l’attraction des bords de route, c’est l’artisanat local. Ici, 100 % local, on peut vous l’assurer.
Depuis quelques kilomètres se posait déjà une question : pourquoi croise-t-on autant de Renault 12, déglinguées, usées jusqu’à la corde, couvertes d’une poussière qui semble assurer la soudure entre les tôles, le toit surchargé ou pas, occupées par cinq, six, sept voire huit personnes, entassées à gondoler les portières. Que des deuxièmes séries avec, de temps en temps, une Renault 18 toujours aussi peu fringante. Je veux bien admettre que le Maroc — comme la Roumanie et d’autres pays émergents, comme on disait à l’époque — a accueilli des R12 par milliers (elles étaient même fabriquées sur place par l’usine SOMACA, à Casablanca. Mais je pensais qu’elles avaient disparu du paysage, comme toutes les anciennes que l’on voyait encore il y a vingt ans. Et bien non. À Sid L’Mokhtar, elles se comptent encore en centaines d’exemplaires, toutes roulantes.

Une R9 TL ? Voilà qui est peu banal. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Un break R12 en bien piteux état. Le premier d’une longue série.

Une 12 TX…

À bien y regarder, il y a également de la Peugeot 504 tout aussi malade.
Vous pensez bien que je me suis arrêté dans un garage pour en savoir plus. J’ai même poursuivi trois chibanis poussant une R12 qui perdait des morceaux dans la ruelle qu’elle empruntait. J’ai interrogé tout ce qui se présentait devant moi. Jusqu’aux mulets, puisqu’apparemment ces R12 ont pris leur place. Mais pas moyen d’en apprendre plus. Le village ne parle qu’arabe. Google Translate a ses limites et, malgré la bonne volonté de tous mes interlocuteurs, j’en suis resté à « c’est notre chameau. Elle est increvable. On l’utilise sur toutes les mauvaises routes autour d’ici, et il y en a. Elle sert de taxi, c’est une voiture partagée… »

Et quand il n’y en a plus, il y en a encore !


Vous pensez bien que ça ne me suffisait pas comme explication. Alors, j’ai creusé et c’est dans la Médina d’Essaouira qu’une jeune fille m’a expliqué le pourquoi du comment. « Si elles sont si nombreuses dans le village, c’est que personne n’a les moyens d’acheter une vraie voiture. Il y a 20 ans, une R12, ça ne valait pas grand-chose. Pour 500 Drh, tu pouvais en trouver une, et il en est arrivé des dizaines par camions, venues de tout le pays. Personne ne se souvient ni qui a été le premier ni quand on a commencé à les transformer pour rouler au gaz de butane. Une bouteille de 13 kg dans le coffre, ça coûte beaucoup moins cher que l’essence, et voilà ! » Mais pourquoi en reste-t-il encore autant ? « Mais parce que les gens de la région sont toujours aussi pauvres. Le pays avance, mais pas pour tout le monde… » Renault ne devait pas imaginer une aussi grande longévité pour cette auto avec laquelle il a conquis le monde entier. Ici, elle semble éternelle, pas par choix. Par obligation…

Beaucoup se sont précipités dans les petites gargotes, le long de la mer, pour manger du poisson. Ça change du tajine, mais il faut négocier le prix. Ils nous prennent pour des Américains, tout en nous faisant croire que je te fais un prix de habibi (ami) !

Les passages voûtés font partie du charme de la vieille ville d’Essaouira.

Que cache cette caverne soigneusement cadenassée ? Nous ne le saurons pas…
Ici on trouve tout ce qu’il faut pour soigner (naturellement) les petites misères quotidiennes. Surtout la panne sexuelle !
Sur cette route, voilà à peu près tout ce qu’il y avait d’intéressant à voir. Ce qui explique que la grande majorité des participants ont rallié Essaouira, sur la côte Atlantique, pour l’heure du déjeuner. Même les Christ qui ont connu une nouvelle alerte sur leur 404, un problème de rupteurs vite réglé par Jean-Marc qui passait par là. Essaouira, anciennement baptisée Mogador du temps des Portugais, ses remparts Vauban, le mélange des architectures portugaises, berbères et françaises, ses ateliers d’artistes, le port et le marché aux poissons. Un passage incontournable pour manger de la langouste, du homard, du Saint-Pierre, de la Dorade, du rouget ou des gambas pêchés le matin même et ramenés au port, non par les barques bleues qui ne sont plus là, pour l’essentiel, que pour le décorum, mais ses bateaux de pêche. On la surnomme La Mariée de l’Atlantique, sans doute parce que tous ceux qui s’y sont arrêtés en sont tombés amoureux. On peut les comprendre, même si le surtourisme gâche un peu l’image de carte postale de la ville. Mais c’est le progrès, ma pauvre dame. Il ne profite pas encore à tous, mais ça va venir. Inch Allah, comme dirait mon chauffeur de taxi de Meknès que je trouve de plus en plus optimiste au fil des jours. Même si j’espère de tout cœur qu’il a raison…

C’est écrit sur la pancarte !

Comme partout, on trouve des tapis à chaque coin de ruelle.
Mais aussi des habits qui se partagent le trottoir avec une multitude de chats…

L’eau est à 18 °C. C’est, du moins, ce que l’on prétend sur la plage. Mais je n’ai pas vu beaucoup de baigneurs !