Il y avait bien longtemps qu'un de nos rallyes n'avait pas donné autant de travail à l'assistance. Hier au soir, c'est la Traction de Xavier qui passait entre les mains douces, bien que calleuses, de Bill, Monsieur Citroën. Un problème de freins qui broutaient à froid. Deux coups de clés plus loin et quelques tours de passe-passe avec incantations et autres prières, le bruit ne se manifestait plus... Jusqu'à la prochaine fois, parce qu'on disait bien, dans tous les garages de France et de Navarre, que la garantie de la réparation s'arrêtait à la porte du garage !

Incroyable notre hôtel, tout de même, non ?

La Traction passe entre les mains de Bill, Monsieur Citroën («moi, monsieur, j'ai appris la mécanique sur Traction ! Je sais leur parler, tu vas voir ou, plutôt, tu vas entendre... »).

Ah oui, quand même ! Les vis de pompe à deaux ont bien usiné le radiateur. Mais c'est beau, encadré, ça vaudrait peut-être même des sous, semble dire Phiphi...

Et quel garage ! Les participants n'en sont pas encore revenus. Coucher dans une réplique du Capitole, ça va vous a quand même une sacrée gueule. Et même si la pluie est venue quelque peu gâcher les envies de visites de la citadelle ou de la vieille ville, à pied ! On était trempés en dix minutes à peine. Tant pis, il faudra revenir... Vous l'aurez compris, le ciel faisait grise mine ce matin. Il avait même revêtu des habits de deuil pour nous accompagner sur la route d'Elbasan où l'on croisait quelques usines en friche et des derricks et pompes essayant d'aspirer quelques maigres litres de naphte d'un sous-sol qui n'a, depuis bien longtemps, plus de quoi remplir plus d'un bidon de deux litres par jour, et encore. Pour un peu, ça coûterait plus cher d'extraire ce truc noir dont on ne sait de toutes façons pas quoi en faire... Mais bon, les habitudes ont la vie dure et, sait-on jamais, des fois que l'on percerait, par hasard, une poche non répertoriée qui contiendrait tout l'or noir du Proche-Orient et vous rendrait milliardaire !...

Il n'est pas rare de croiser encore des équipages comme celui-ci avec moteur essence ou diesel. Tout est bon pour rouler.

Celui qui a succédé au dictateur fou a cru que l'argent venu des Etats-Unis permettrait de s'en mettre plein les poches en ne produisant plus rien. Alors, il a fait fermer toutes les usines. Aujourd'hui, le pays est plein de ces friches industrielles abandonnées à la nature.

A Elbasan, nous avons fait une petite halte pour visiter l'église orthodoxe Kisha Fjeta e Shën Matrisë dédiée à la mère du Christ et dans laquelle a officié le prêtre Nicolas qui vous accueille, assis sur sa chaise, terrassé désormais par une maladie de Parkinson qui a été détectée beaucoup trop tard. Mais il reste fidèle au poste, affirmant encore avec force qu'il a officié ici durant trente-trois années. C'est sa sœur, Maria, qui fait la visite. Elle commence par demander 2 euros par personne, mais en Leeke, la monnaie locale, s'il te plaît. Tu donnes sans rechigner et, ensuite, tu te laisses guider. Alors là c'est une photo de Nicolas, là une photo de Nicolas, là encore une autre photo de Nicolas, tiens prends la photo de la photo de Nicolas avec un prêtre chrétien et l'imam. Tu sais ici, nos trois religions étaient main dans la main, unies, ensemble toujours et à jamais. Ce n'est plus tout à fait vrai. Enfin, regarde, prend la photo là, non dans l'autre sens, c'est mieux, tu vois, c'est des icônes originales du grand peintre Onufri. Tu connais Onufri, non ? C'est notre plus grand peintre d'icônes (vous avez dû en voir à Bérat, tu viens de Bérat non ?), alors voilà ça c'est original. Les fresques, là, regarde, prend la photo, c'est original aussi. C'est du bois, ça a presque mille ans, tu vois, mille ans. Bon, ici tu as une photo de Nicolas, c'était son siège. Regarde l'autre qui lui fait face, fais la photo, non dans l'autre sens, vas-y écoute-moi, je sais, tu sais, ça fait cinq ans que je fais visiter. C'est avec ça qu'on peut acheter les médicaments pour Nicolas, tu comprends ? Bon, allez, la visite est finie. Va saluer Nicolas et bonne route, que Dieu vous garde, quel que soit celui que tu pries, et même si tu ne pries pas. Incroyable moment lumineux où les mots sortaient clairs et nets de sa bouche dans une langue que mon cerveau décryptait aussi vite qu'il la recevait. Elle n'a pas voulu que je la photographie. Nicolas peut-être, mais non, il ne voudra pas non plus. C'est la famille, c'est sacré, penses-y. Waouh, quelle femme incroyable !

L'église orthodoxe d'Elbasan est dédiée à la Vierge Marie.

L'intérieur de l'église avec ses fresques en bois byzantines.

Tout ce qui se passe ensuite, tu le relativises forcément. Tu viens de toucher du doigt un moment de grâce absolue. Alors la panne, tu la prends avec philosophie. Mais avec sans doute un peu plus de compassion qu'un autre jour, parce qu'elle ne te touche pas de trop près, mais quand même. La pauvre DS. Il semblerait que son arbre à cames soit cassé. Forcément, ça marche beaucoup moins bien. Pour elle, le voyage s'achève sur plateau. Pas pour Josiane et Daniel qui vont rejoindre Sylvie et Didier qui ont vécu le même cruel dilemme. Partir ou rester après leur souci de 504. Ils ont choisi de continuer. Tant mieux. La solidarité joue toujours à fond chez nous. Aujourd'hui, peut-être encore un peu plus, du moins j'ose l'espérer, moi qui ne suis pas mystique pour un sou mais qui ai eu l'impression de vivre une expérience mystique dans cette église.

Pendant ce temps, certains participants préféraient prendre les chemins de traverse pour rallier Tirana, comme les Fluck et leur 4L.

Hubert aussi a préféré baguenauder...

La pauvre DS de Daniel et Josyane...

Elle finit sur le plateau.

Drôle de journée, décidément. En attendant, nous voici à Tirana. Un certain nombre de participants ont déjà commencé sa visite. Nous, on le fera demain...