Jusque-là, le temps avait été plutôt clément avec nous. Quelques ondées hier. Comme une mise en bouche pour la douche écossaise qui nous a été réservée aujourd'hui. Oh, il n'a pas draché tout de suite. Non, non, le ciel a attendu gentiment que nous prenions notre pause-café avant de débuter par un petit crachin bien breton, insidieux, à peine visible, mais particulièrement agressif, du genre qui mouille à travers les vêtements et pénètre même dans les habitacles les plus étanches. Crachin qui s'est transformé en pluie incessante, aux gouttes de plus en plus épaisses et drues. Toute la sainte journée, jusqu'à l'arrivée à Edinburgh où nous attendait également un sacré bouchon. Bref, une douche écossaise comme on ne l'espérait plus car en ce quatrième jour, on se disait qu'on échapperait au temps que l'on dit souvent gris par ici, à tout le moins humide, comme en témoigne le vert des pelouses soigneusement entretenues et coupées au ciseau ! Après la douche uruguayenne subie par notre équipe de rugby hier au soir (nous avons vite plongé le nez dans notre assiette, au vu de ce qui se passait sur le terrain, et nous n'en menions pas large...), on ferait presque la soupe à la grimace si on n'avait pas, malgré tout, profité de la journée pour découvrir quelques petits trésors.

Les deux Gordini réunies, celle des Lebeaupin (à gauche) et celle des Lefert (à droite).

On étudie les cartes avant de partir, comme les frères Loubet, particulièrement bien organisés et bien décidés à trouver le mur d'Hadrien, sans doute parce que le petit-fils de Jean-Louis porte le même nom que l'empereur romain !

Après leurs mésaventures londoniennes, les Vernanchet sont bien décidés à ne plus se tromper de route !

En prévision de la pluie, un peu de scotch dans les coins du pare-brise de la Mercedes des Dorléac... Mais si c'est comme sur mon Alfa, ça n'a pas dû suffire !

Cette journée était intitulée Abbey Road, en hommage au onzième album des Beatles sorti en 1969, le dernier enregistré par le groupe avant sa séparation. Mais rien à voir avec la rue dans laquelle se trouvaient les studios EMI où le groupe enregistrait et que l'on voit sur la pochette. C'était en rapport au nombre d'abbayes, la plupart cisterciennes, qui se trouvaient sur notre route ou pas très loin. Des ruines, entendons-nous bien, Henri VIII ayant dissous l'ordre cistercien en 1538 pour laisser place à l'église anglicane, chrétienne mais réformiste, et opposée alors au Pape et à l'église catholique. On pouvait ainsi croiser l'abbaye de Byland, celles de Rievaulx, de Mill House ou encore de Dryburgh. Toutes très impressionnantes par leur taille et les vestiges qui tiennent encore debout.

Les imposants vestiges de l'abbaye de Byland fondée en 1134 et abandonnée depuis 1538...

Autres ruines de taille, celles de l'abbaye de Rievaulx avec son église abbatiale.

Sur la route, on croisait également bon nombre d'églises, comme celle-ci, à Northalterton.

Autre attraction de la journée, le mur d'Hadrien ou ce qu'il en reste. Une fortification romaine faite de pierres érigée sur l'ordre de l'Empereur Hadrien, entre 122 et 127 après JC, pour empêcher les Calédoniens (ancêtres des Ecossais) de venir piller les richesses romaines. Il traverse toute la Grande-Bretagne, d'est en ouest, sur 117,5 km, et il en reste encore quelques traces qui laissent entrevoir l'importance de cet ouvrage. Ce n'est, certes pas, la muraille de Chine mais on imagine le chantier titanesque qui a prévalu à son édification.

Un morceau du mur d'Hadrien. Contrairement aux apparences, il n'y a pas eu de rayon de soleil, la pluie étant tombée sans discontinuer. C'est une photo que nous avions prise lors des reconnaissances, en 2020. Jour de pluie, également, mais avec des éclaircies...

Passage de la “frontière”. Le panneau signale également un superbe point de vue... Mais aujourd'hui, avec la brume de pluie, on ne voyait goutte à cent mètres... (voir goutte, quelle drôle d'expression, tellement peu appropriée à la situation...).

Pourtant, il y a de belles choses à voir, la campagne écossaise étant superbe.

Hier, nous avions trouvé une cabine sans téléphone. A Lauter, celle-ci était encore en fonctionnement.

Les plus courageux pouvaient pousser jusqu'à Edinburgh pour se promener sur l'avenue Royal Mile qui mène jusqu'au palais de Holyroodhouse et est bordée d'imposants monuments comme la cathédrale Saint-Gilles, et de boutiques pour touristes en mal de couleur locale. Encore fallait-il avoir le courage d'affronter la pluie et ce ciel pesant qui vous écrase sans vous laisser le moindre répit jusqu'à vous essorer comme une vieille serpillière... Certains s'y sont essayé avec, cependant, une autre idée en tête. A l'image de Michel Walter qui, lorsqu'il avait 17 ans (c'était donc il y a 63 ans !), avait pris un billet à Londres où il travaillait afin de payer ses études pour se rendre à Edinburgh, visiter la ville, sans un sou un poche. Il s'était alors souvenu qu'un vieux décret Victorien interdisait que l'on dorme dans la rue. Tout contrevenant pris ainsi en maraude se retrouvait au poste où il passait la nuit. Il s'était donc, tout tranquillement, installé face au commissariat central et avait attendu qu'on l'amène en cellule où il avait pu dormir tout son saoûl avant d'être raccompagné, le lendemain matin, à la périphérie d'Edinburgh afin de rentrer à Londres en stop, vu qu'il n'avait pas le premier penny pour se payer le billet de retour ! Il espérait pouvoir retrouver ce commissariat, y rentrer, et demander à visiter une cellule après avoir raconté son histoire. Sans succès, le mauvais temps, les embouteillages, les difficultés de stationnement, etc. ayant eu raison de ses velléités de retrouver l'époque de ses 17 printemps, fusse en prison ! Belle histoire, non ?

L'avenue Royal Mile à Edinburgh...

Un petit souvenir ?...