Sacré Roland. Guerrier franc, préfet de la Marche de Bretagne, dont on a fait une chanson de geste évoquant sa mort légendaire à Roncevaux, le 15 août 778 et son épée Durandal qu'il a voulu briser pour ne pas qu'elle tombe aux mains des Sarrasins et de son traître de beau-père, Ganelon le félon, épée qui a fendu en deux la montagne qui entoure le cirque de Gavarnie, créant ce qu'on appelle aujourd'hui encore la brèche de Roland. Outre que cette histoire n'emprunte que peu à la véritable histoire, elle permet les pires outrances et un mélange des genres qu'il serait bon de rétablir. Ce bon Roland (Hruodland en francisque) est certes l'un des neveux de Charlemagne (ils sont légion) et l'un de ses douze preux. Mais on lui prête beaucoup. Aujourd'hui, nous avons été ainsi sur ses traces pour nous recueillir au Pas de Roland, un rocher fendu par Durandal ou par le sabot de son cheval, les récits divergent. L'endroit se trouve au bord de la Nive, dans une zone encaissée que la rivière creuse depuis des millénaires avec une infinie patience pour en sculpter ses méandres. Il impose prudence et patience, car on ne peut s'y croiser qu'en laissant passer le véhicule arrivant en face après s'être écarté pour se ranger sur l'un des innombrables refuges qui ont été aménagés, sans doute à la dynamite ! Pas sûr que notre Roland soit passé par ici mais il est amusant de noter que les Basques sont assez fiers de conter cette anecdote.

Le Pas de Roland, un gros trou bien rond dans un rocher...

La Nive sauvage et les gros rochers qu'elle charrie, surtout à la fonte des neiges.

Mais connaissent-ils seulement la véritable histoire de sa mort et son contexte ? Pas sûr, l'historien Michelet, tout comme le biographe auto-proclamé de Charlemagne, le moine Eginhard, ont enjolivé l'épisode pour transformer cet événement tragique en une geste héroïque. En fait, notre bon roi Charlemagne, alors de retour de sa campagne espagnole de Saragosse fort peu productive, s'en était pris à la ville navarraise de Pampelune qui, pourtant, résistait avec férocité aux Sarrasins. Après en avoir rasé les défenses, il était tout tranquillement retourné en Aquitaine tandis que son arrière-garde, commandée par Roland et lourdement harnachée, tentait de franchir la passe de Roncevaux où les Vascons (ancêtres des Basques) les attendaient pour les massacrer et récupérer le butin de Pampelune. Pas trace de musulmans sur la route de Roland, comme sur celle de Charlemagne. Juste la continuité de la lutte qui a opposé le peuple Vascon à un Charlemagne auquel ils ne se sont jamais soumis.

La vieille ville de Saint-Jean-Pied-de-Port plonge les pieds dans la Nive...

Dans l'église dédiée à Notre Dame de l'Assomption...

Voilà pour la petite tranche d'histoire qui nous attendait ce matin avant de poursuivre vers Espelette, capitale du piment qui porte son nom, puis par Ossès mais où nous avons trouvé porte-close chez le fabricant d'espadrilles, Don Quichosse, nous rabattant sur la poterie Goicoechea et la Distillerie Brana. Il ne restait plus, ensuite, qu'à pousser jusqu'à saint-Jean-Pied-de-Port pour se balader dans sa vieille ville, posée des deux côtés de cette Nive que nous aurons longée toute la journée avant de retourner dans nos pénates, bluffés par la beauté des paysages traversés sous ce chaud soleil printanier qui a eu la délicate attention de nous accompagner encore toute la journée...

Impossible d'échaper aux colliers de piments d'Espelette qui sèchent devant toutes les façades de la ville.

La vieille ville d'Espelette est maintenant le terrain de jeux des boutiques et des bars-restaurants.