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ROUTE - Etape 6 : Tamerza / Gafsa
La vie peut être simple comme un coup de fil. Pas chez nous, ça c'est sûr. Mais partout où l'on a encore de l'humanité dans les neurones. Hier au soir, je vous avais laissé avec la 504 Dangel de Jean-Luc, papattes en l'air, boîte de transfert dans le sac. A midi, aujourd'hui, elle repartait, réparée, de Tamerza. Entre ces deux événements, nous avons, une nouvelle fois, pris une belle leçon. Leçon répétée toute la soirée et toute la matinée, répétée à l'envie par toute une galerie de personnages qui ne rendent pas ce fait anecdotique mais tout simplement naturel.


Reprenons le fil. Hier, vers 20h, alors que toute la transmission avait enfin décidé de s'extraire du Dangel, non sans problème, la source de la panne venait d'être trouvée : croisillon de cardan de sortie de boîte de vitesses cassé. Bouffé, mangé, grignoté. Catastrophe car c'est la seule pièce que Jean-Luc n'avait pas amené avec lui. Il avait tout prévu (arbres de transmissions, arbre de sortie de boîte, cardans AV et AR de transmission AR, pont, boîte de transfert...), tout sauf cette pièce. A mesure qu'il ouvrait ses caisses remplies de tout (même de Picon !), il blémissait. Et puis, une petite idée se fait jour. Dangel n'a tout de même pas fait fabriquer cette pièce rien que pour lui, il a dû reprendre celle d'une boîte de 504 classique. Si on en trouve une, l'affaire peut se régler. Certes, mais il est 20 heures passées et où s'adresser ? On sait qu'il n'y a pas le moindre garage à Tamerza, que le plus proche est à Redeyev, à 38 km de là... Passe alors un homme en blouse verte, venu en curieux. C'est le gardien du parking. Nous lui demandons s'il connaît un garage dans le coin ? Il secoue la tête. Nous lui montrons la pièce cassée Il opine à nouveau. Nous expliquons que s'il connaît une berline 504 dans le coin, nous sommes prêts à l'acheter pour la démonter... Il sourit, sort un iPhone de sa poche et passe deux à trois coups de téléphone. Le croisillon de cardan, il est possible qu'il soit chez un de ses copains à Redeyev. On peut y aller tout de suite. Incroyable ! Et il nous accompagne, pour le simple plaisir de rendre service.


Une demie-heure plus tard, après avoir déambulé dans les ruelles de Redeyev, aussi étroites qu'à Goa, interrogé des habitants réveillés par nos coups de klaxons interrogateurs, nous finissons par retrouver un petit gars qui arrive avec une transmission AR dans les bras. Il n'a pas tout à fait compris ce que nous cherchions. Pas grave, nous l'embarquons dans la voiture pour filer chez lui, à quelques centaines de mètres de là. Il file directement vers une caisse, sort un croisillon de cardan et fait la moue. Pas le bon modèle. On avise d'autres boîtes, mais il nous fait comprendre que ce ne sont pas les bons. Celui-là pour 403, celui-là pour 404 premier modèle... Il connaît par cœur le contenu de ses coffres à trésors... Tout ceci nous a mené à 22 heures passées, mais le gars continue à s'occuper de nous et il a soudain une idée. Il prend son téléphone, baragouine en arabe, cinq, dix minutes, puis son visage s'éclaire. Il vient de trouver la pièce. Neuve. A 20 km de là, mais elle se trouve dans un magasin qui n'ouvre qu'à 8 heures le lendemain matin. Il nous propose de le retrouver à Redeyev, il nous y emmènera parce que c'est compliqué à trouver. Nous rentrons à Tamerza vers 11 heures, avec notre bon Samaritain qui refuse toute récompense. « Ça me fait plaisir de vous faire plaisir. »


Le lendemain, à 8 heures tapantes, le gars est bien au rendez-vous et il nous guide jusqu'à Moulares (ça veut dire belle-mère en arabe !) où il nous présente son copain. Lequel a préparé le croisillon de cardan. On le compare à celui de Jean-Luc. C'est bien le bon. Il est neuf... et il coûte 37 dinars (moins de 20 euros !). Nous remercions chaleureusement, repartons, ramenons notre gars qui, à son tour, refuse toute récompense. « Je veux juste rendre service. Si tu es content, je le suis aussi. » Vous voyez la même chose nous arriver en France ? Non. Au mieux on aurait dû attendre quelques jours pour recevoir une pièce venue du fin fonds de je ne sais quel vieux stock, au pire on nous aurait claqué la porte au nez, tellement il est incongru de déranger pour une aussi vieille caisse... Je vous le dis, plus nous voyageons, plus nous avons honte d'être Français, et plus nous avons envie de vivre ailleurs que chez nous pour retrouver la joie d'échanger, de partager sans arrière-pensée... Grr, dire que nous y retournons dans deux jours...


Vous l'aurez compris, la Dangel est réparée. Jean-Luc est aux anges. L'assistance a, une nouvelle fois, remis sur route une voiture. Elle a failli en avoir une deuxième à se mettre sous la dent car sur la route de Metlaoui, nous avons croisé l'Océane de Camille arrêtée. Pont cassé ! Tu es sûr ? Certain ! Plateau, direct Gafsa, où l'énorme bruit entendu par Camille n'existe plus, où l'on a bien trouvé un peu de limaille dans l'huile, mais il devrait pouvoir continuer sans trop de problème. C'est dans la tête ? Pas uniquement, mais comme on le lui a dit avec humour, maintenant que toutes les dents sont bouffées, ça fera moins de bruit. Et puis, si tu en entends encore, augmente le son de l'autoradio...


Pour le reste, la journée est passée tranquille, le but étant de prendre l'ancien train du Bey de Tunis, le Lézard rouge, et de visiter les gorges de Selja à son rythme, jusqu'aux mines de phosphate. Un petit voyage dans le passé nostalgique à travers des paysages superbes qu'on ne peut voir autrement. Ce soir, ça sent déjà un peu la fin. Demain, nous serons déjà revenus dans le nord, et la fraîcheur, nous en avons eu un avant-goût avec la pluie et le vent du matin. Une manière de transition avec le temps que nous allons retrouver de l'autre côté de la Méditerranée... Dommage...

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