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PISTE - Etape 7 : TENBAINE / MATMATA
Quelle nuit ! Je vous plante le décor, juste pour vous donner une petite idée de l'endroit où nous nous sommes posés hier. Des dunettes à perte de vue, deux promontoires étêtés par un couteau à jambon de bayonne, quelques argousiers, pas d'herbe à chameau mais des pousses de palmiers qui, un jour peut-être, à force d'irrigation, finiront par fournir de l'ombre et créer un parking naturel. Des tentes disparates, plantées à même le sable mais avec un minimum de confort. Certaines avec toilettes sèches, la plupart avec un simple lit, mais quel luxe au milieu de rien. Une immense tente berbère pour recevoir les amis. Papoter, discuter à l'ombre, entourés par les mouches omniprésentes qu'on finit par ne plus remarquer tellement elles font partie du paysage. Sortie de nulle part, une bière presque fraîche que l'on sirote en goûtant chaque goulée comme si c'était la première. Ici, c'est d'abord le silence qui s'impose, assourdissant pour peu qu'on se mette à l'écouter. Il suffit de s'éloigner de dix mètres d'un groupe pour ne plus entendre que la brise qui caresse le sommet des dunes pour pousser un peu plus loin ce sable à la consistance de farine dans lequel on s'enfonce jusqu'au mollet.




Au milieu de ce rien, devenu brutalement centre d'un monde en devenir, il est difficile de trouver ses marques. Tous les repères habituels sont absents, et pourtant on s'y sent étrangement bien. Détendu. Comme nous étions arrivés tôt, certains en ont profité pour aller jardiner dans le Grand Erg et se tanquer joyeusement, d'autres ont goûté à la fraîcheur de la source qui jaillit à quelques centaines de mètres de là, d'autres ont préféré ne rien faire qu'admirer le paysage et profiter du silence. A chacun sa vision du désert...




Le soir venu, les bougies et quelques torches rendent le lieu encore plus hors du temps. Surtout lorsqu'on prend l'apéro au sommet d'une dune, face au soleil couchant, attendant qu'il descende derrière la ligne d'horizon pour voir monter les étoiles et le minuscule croissant de lune qui le remplacent sans plus de cérémonie. A la manière d'un interrupteur. On-off. Etonnant et magique. Tout autant que la vue sur le camp illuminé par des centaines de loupiottes tremblotantes et le grand feu dans lequel on prépare le pain berbère (normalement, on le cuit sous la braise et dans le sable, mais il paraît que les touristes n'aiment pas trop sentir le sable crisser sous leurs dents, alors on utilise des plats, c'est moins traditionnel...), et le mouton qui accompagnera le couscous.




Je ne vous raconterai pas la soirée, chasse gardée de tous les participants qui devraient en garder un souvenir inoubliable. Je n'évoquerai pas les étoiles dont le scintillement n'a rien à voir avec celui auquel nous sommes habitués, comme si elles veillaient sur le lieu avec une tendresse particulière. Je ne vous dirai rien de l'accueil berbère (le lieu appartient à l'une de leurs tribus, celle d'Ahmed), généreux, direct, souriant, simple. Je ne parlerai même pas du lever de soleil, vers les 6h, aussi rapide que le coucher. Ici, on ne s'embarrasse pas de préliminaires inutiles, de chichis, on passe de l'ombre à la lumière. Point.




Je ne vous dirai rien, non plus, de têtes réjouies au petit matin (réveil à 5h30 !). Comme si le temps passé dans cet endroit avait fini par faire prendre conscience à tous de ce qui venait de se passer. Et que cet événement n'est sans doute pas prêt de se reproduire. Oui, on susurrait que ce n'était pas aussi difficile que nous l'annoncions. Oui, tout le monde avait réussi son examen de passage. Mais avec le trouillomètre à zéro, en se tanquant régulièrement. Trois passes, une heure d'attente pour chacune d'entre elles. Et encore, parce que nous avons fini par réguler le trafic pour éviter qu'ils ne se collent aux poussins qui les précédaient. Je les avais assimilés à de petits poussins... Ce matin, ce sont de véritables petits coqs. Fiers qu'ils sont, avec légitimité, ma foi.
Ce matin, c'est avec un moral au zénith que nous avons affronté, en sens inverse, les difficultés de la veille. Ce devait être plus facile, dixit Ryad, le patron du Camp de Mars, pour une raison facile à comprendre : l'appréhension a disparu. Ça l'a été ou presque. Parce que le parcours n'est vraiment pas fait pour deux roues motrices et le pauvre VW 181 de Rommel a eu droit à plusieurs tanquages, au beau milieu de la piste, bloquant tout le groupe, sans le vouloir. Il s'en veut d'ailleurs, maudissant ses pneus qui ont de trop grosses sculptures. Du coup, il y a eu bouchon sur la première difficulté. Une heure pour le faire sauter. Plus d'une heure d'ailleurs, parce que ça s'est un peu précipité derrière et ça s'est agglutiné.




Ça a servi de leçon à tous, et du coup les deux passages suivants, les plus difficiles, ont été avalés comme une simple formalité. Chacun son tour, tout le monde attendant sagement. Un quart d'heure là où nous avions passé deux heures la veille ! Magique. Derrière, du sablon, de la caillasse, des passages de mou. Tellement faciles après cinq jours de sable que c'en était lassant... Pfff ! Du billard la piste. Ah, faut regonfler ? Dommage, le mou, c'est quand même bien plus agréable que la tôle ondulée, la caillasse, les trous, les bosses... Et bien plus amusant que le goudron final. Final ? Ben oui, la piste c'est terminé ! Déjà ? Déjà ! Il restera quelques jolis souvenirs. La plantade de Gilles Parayre, sublime, carrément à l'oblique, une roue en l'air. Oups ! Mais comment a-t-il fait ? Lui-même ne sait pas... Ultime souvenir ? Non, l'un des plus sympas restera le repas pris au Café du Parc, chez Amor, une brick aux œufs superbe, agrémentée par quelques provisions en trop des participants qui ont fait pêter le foie gras, le jambon de Lozère, la rillette de canard, la terrine de cerf au bourgogne, bref des produits du terroir bien de chez nous, histoire de se venger parce que nous avions oublié les saladettes ! Ils ont la vengeance terrible, comment voulez-vous qu'on relève un tel défi ?

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