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Jour 11 - Essaouira / Casablanca

J'en apprends de belles. Pendant que nous galérions comme des forçats sur la piste, les routards se la sont coulé douce. A leur menu, petites étapes (89 km entre Taroudant et Agadir, à peine le temps qu'il faut pour se chauffer), visites de monuments (Taroudant vaut le détour et plutôt deux fois qu'une), gueuletons sur le bord de la route dans des estaminets où l'on vous découpe la viande (vous l'achetez d'ailleurs directement au boucher qui, ô surprise, est également le patron du restaurant qui fait aussi bar, tabac, salle de jeux...) quand on ne vous grille pas le poisson tout juste pêché de la nuit. Pour ne rien arranger, à Agadir, ils étaient dans un hôtel-club avec un nombre d'étoiles que la décence impose de taire, « all inclusive ». Avec donc repas et boissons à volonté. Il semble que certains en aient abusé au-delà de toute raison, tandis que d'autres souffraient en solitaire dans leur chambre, la turista faisant beaucoup plus de victimes cette année que lors des précédentes éditions. A tous les coups, c'est à cause des excès de bonne chère...

Mais certains, comme l'équipage Capon-Vincent en ont profité pour rallonger le menu des kilomètres en allant d'abord voir le fils de l'un, puis la région où viennent mourir toutes les Peugeot et dont je vous tairais le nom afin qu'il reste encore des pièces pour les dix prochaines décennies. 180 km de plus, et ça les amuse. D'autres en profitent pour se faire de jolies blagues. Nos deux équipages belges préférés n'ont résisté à la tentation qu'une paire de jours. Ce soir, la voiture de Jacques, une belle R16 TX, ressemble désormais à un juke-box, avec tous les CD-Rom qui ont été collés sur sa caisse. Sa vengeance ne manque pas de panache : la 203 de Laurent est désormais enrubannée et elle va devoir tracter une barrière ! Le départ, demain matin, promet d'être chaud.

Malgré la longueur de l'étape (380 km), nous avons pu comprendre un peu le calvaire qu'ont vécu ces routards. Un revêtement sans bosses ou presque, une allure pépère, des paysages qui permettent des haltes pour goûter un thé à la menthe sur une terrasse, en regardant passer les copains qui saluent d'un pouet-pouet tonitruant, des restaurants accueillants où l'on fait bombance pour trois fois rien (comptez de 2,50 euros pour un menu classique dans une « gargotte » à 11 euros dans un gastro - à ce propos, je vous conseille l'Araignée à Oualidat, on y déguste des... araignées, du homard, des oursins, du poisson, du calamar, magnifiquement cuisinés), et des gens. Partout. Ca nous change des quelques rencontres épisodiques. Sur la route, on croise des écoliers revêtus de leur belle blouse bleue, sac sur le dos (pas très chargé contrairement à ce que l'on fait chez nous), des centaines de gamins à pied ou à vélo qui font parfois plusieurs kilomètres pour faire leurs études et qui vous saluent avec de grands gestes de la main. Des agriculteurs qui partent aux champs sur le dos de leur âne, ou dans la charrette que celui-ci tire avec diligence, tricotant de ses petites gambettes fines comme un mannequin lyophilisé (vous savez, ces pauvres filles qui défilent pour les couturiers et ont des jambes qui ressemblent à des allumettes), ou encore grimpés sur d'improbables mobylettes surbricolées qui n'ont plus d'âge ou, pour les plus riches, au volant de tracteurs dont le plus récent doit bien avoir une trentaine d'années. L'animation est partout. Les villages grouillent d'une activité folle autour de petits marchés ou des coopératives. Ca palabre, en prenant le temps d'écouter et d'argumenter, finissant le débat autour d'un thé à la menthe pendant que l'âne attend patiemment que la négociation soit terminée, grignotant un caillou ou deux, histoire de mâchouiller quelque chose...

Comme eux, nous avons pu en profiter pour faire de la visite. A Safi, dans le quartier des poteries où l'on nous explique gentiment tout le cheminement qui permet la réalisation des plats à tajine, mais également des services décorés qui font la renommée de la région. Mais pas de souks. Nous n'avons pas eu le temps, alors que les routards ont fait le plein. Il suffit de voir la 404 break des Lorente qui avaient manifestement tout prévu, en installant une galerie de toit. Laquelle porte désormais une table ! Rien de moins. D'habitude, c'est plutôt dans l'autre sens que les voitures sont chargées ras le bitume. A la douane, les fonctionnaires vont sûrement se poser des questions... Dans tous les coffres, il a fallu faire un peu de place pour des jarres, des plats à tajine, des lampes, bref des souvenirs qui flirtent avec l'utile...
Enfin, dernier point, mais non des moindres, nous réapprenons les douceurs de la conduite marocaine. Plus on remonte vers le nord, moins le code de la route et celui de bonne conduite sont oubliés. On double n'importe comment, ligne blanche ou pas, virage ou pas, visibilité ou pas. Les mobylettes, les ânes et les piétons occupent la route, parfois toute. Les camions roulent surchargés, à tombeau ouvert et Michel Bourgeois a failli faire les frais d'une remorque qui a brusquement traversé la route devant lui, parce qu'elle voulait passer devant la cabine qui la tractait ! A Casa, c'est même du grand n'importe quoi. Vous avez, d'un côté ceux qui roulent doucement comme s'ils avaient peur (on les comprend) et, de l'autre, ceux qui foncent à tombeau ouvert. Et doublent n'importe comment... Pfff, le retour à la civilisation est décidément troublant. Me revient en tête le mot de Martine Capelle qui résume bien cette dichotomie entre route et piste : « Pendant que vous dormiez dans les draps du lit, nous dormions dans le lit du Draa »...

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