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Etape 08 : HORTO / DELPHES
A l'impossible nul n'est tenu. C'est ce que prétend l'adage. A tort. Prenez cette journée, elle devait être d'une tranquillité absolue. Un road-book aux petits oignons, un parcours sinueux mais très agréable, serpentant entre des champs d'oliviers à perte de vue ou des genets en fleurs, sans la moindre difficulté si l'on excepte une côte de 10 km. Et bien, nous avions tort, il s'est passé beaucoup de choses. Tout d'abord, il faut savoir qu'aujourd'hui est férié à Larissa. Personne n'est censé travailler. Les magasins sont fermés, les concessions aussi, et seules les boutiques pour touristes ont tenté une timide ouverture, même si la saison ne commence réellement que dans une petite quinzaine. En discutant hier au soir avec Dimitri, venu nous rendre visite à Horto, nous n'étions donc finalement guère optimistes sur le remontage éventuel de la Mercos, car pas moyen de trouver un tendeur de chaîne avant lundi au mieux. Nous nous étions quittés à minuit passé, en imaginant faire venir la pièce de France, par DHL ou UPS, tout en avançant la voiture sur le parcours pour effectuer la grosse opération lundi ou mardi soir.
Ce matin, au réveil, notre équipe de mécanos rangeait donc tranquillement son aire de travail lorsqu'on m'alerte. Une mystérieuse tâche, énorme, est apparue sous ma P60. Argh ! Un coup de calcaire de Titine ? Mmmh, le doute m'habite. La veille au soir, j'avais tout vérifié, pas de trace suspecte mais je file quand même voir par moi-même de quoi il retourne. Effectivement, la présence d'un liquide plutôt gras laisse supposer une fuite. Mais de fuite il n'y a pas. Je subodore immédiatement la blagounette car à l'endroit où elle es placée et compte tenu de sa forme, ça ressemble plutôt à une projection d'huile moteur faite par un gobelet. Une odeur étrange entoure, de plus, cette déjection liquide. Un fort relent de rhum. Je suppute immédiatement que le ou les coupables sont adeptes du punch et comme Yvette (vous savez, celle qui veut qu'on l'appelle Chantal) nous a avoué avoir amené avec elle deux cubis de ce précieux breuvage, nul besoin d'être Colombophile (amoureux de Colombo) pour m'écrier : « bon sang, mais c'est bien sûr ! »
Moqueurs ces Panhardistes ? Mouiiii. Mais ils ne savent pas que Titine est du genre susceptible. N'a pas aimé qu'on la fasse passer pour une pisseuse, et dès les premiers hectomètres, elle a envahi l'habitacle d'une forte odeur de brûlé, suivie par une épaisse fumée sortant de sous le tableau de bord. « Sacrénom d'une pipe de Gérard Leclère, v'là qu'elle s'enflamme ! » Je m'arrête, lève le capot, renifle mais avant que j'ai pu dire « ouf », notre équipe de Panhardistes me croise. « Ca va ? » qu'ils demandent, façon quolibet. Je lève le pouce, histoire de garder une contenance de vainqueur, et je leur fais signe de passer leur chemin. L'odeur a disparu, je repars mais dix mètres plus loin, c'est reparti. S'arrêtent alors les Riegler et Kaus, et Dominique remonte l'odeur au nez ! C'est manifestement le moteur du ventilateur de chauffage qui vient de griller. Nous le débranchons, je repars. Mais la fumée revient ! Etrange, il fonctionne même débranché. Titine se prend pour Christine ! Nous voilà mal barrés. Aux grands maux, les grands remèdes. Nous déposons le moteur, et le jetons dans le coffre. Bye bye l'odeur et la fumée. Je peux repartir tranquille pour rattraper les Panhardistes et leur filer le train. Facile, ils roulent à un train de sénateur.
Détendu, ayant presque oublié l'incident, je jette un œil sur la jauge à essence pour voir où en est mon niveau de carburant, et je constate qu'elle indique zéro. Je la tapote, et l'aiguille repart vers le centre de la jauge, avant de replonger à gauche. Bizarre, v'là maintenant que la jauge fait des siennes. Pas grave, je fais le plein tous les 300 km, je n'en ai pas vraiment besoin. Une trentaine de kilomètres plus loin, Guy de Bluze qui m'a rattrapé se porte à ma hauteur et me signale que je n'ai pas de feux stops. « Mais si, assure-je avec assurance (d'où le verbe assurer), c'est juste que les ampoules sont faibles et que le plastique d'époque est devenu opaque. Et avec le soleil, tu ne vois plus rien. » Tout juste si je ne lui dis pas de se faire offrir une paire de lunettes, péremptoire et prétentieux que je suis. Cela dit, il m'a alerté sur un détail qui, pour moi, veut dire beaucoup car je suis soudain plus attentif à mes voyants. Et je constate qu'en freinant le voyant de charge s'allume. Bizarre ? J'actionne les clignotants, pas de clic-clic. Je les ai perdus aussi. Idem pour les essuie-glaces. Je demande immédiatement à Marie-Hélène de sortir de la boîte à gants et de jeter un œil dans la Notice d'entretien, page fusibles. Mon soupçon premier est immédiatement conforté. Un fusible gère tous ces paramètres ainsi que celui du ventilateur de chauffage. CQFD. Je stoppe dans une station-service, suivi par les Kaus et Riegler qui me suivent toujours, au cas où. Et tandis qu'ils prennent un café, je change le fusible car, prévoyant comme vous me connaissez, j'en avais un de rechange...
Voilà pour la première inquiétude de la journée. Le meilleur est cependant à venir. Pendant ce temps, Camille était en direct avec la concession Mercedes d'Evreux pour se faire envoyer par UPS ou DHL le tendeur de chaîne de la Mercos. Il est dispo. Chouette. Le virement est prêt à être effectué dans la seconde, il ne reste au magasinier qu'à le mettre dans une boîte, nous appelons UPS et l'affaire est jouée. Nous l'avons demain, la vie est belle. Ben non, messieurs dames. Nous avons oublié un détail, nous vivons en France, un pays qui se prétend civilisé, bien meilleur que beaucoup d'autres, un pays dans lequel on se fout royalement de la notion de service. Le client est un emmerdeur, il n'a qu'à venir la chercher lui-même sa pièce. C'est, en tout cas, ce qu'a dit le magasinier avant de raccrocher et de partir boire son café, sans doute. Ah elle est belle la France ! Dépité, Camille est prêt à alerter tous les Mercedes de France pour renouveller l'opération mais à cet instant, Dimitri appelle Daniel. « Tu en es où avec ton tendeur ? » Nous lui avouons faire chou blanc. Un bref instant de silence puis : « Je te rappelle dans dix minutes. » Cinq minutes plus tard, le téléphone sonne : « Bon, je t'ai fait ouvrir la concession Mercedes de Larissa. Je leur ai communiqué toutes les informations pour commander ton tendeur. Ils l'attendent pour 13h. Viens ! » Aussitôt dit aussitôt fait. Daniel et Gérard sautent à nouveau dans la 403 pour récupérer le tendeur et découvrent une concession Mercedes ouverte rien que pour eux, avec un magasinier désolé de devoir les faire attendre parce que la pièce n'est pas encore là. « Allez manger à côté, et revenez dans une heure, ce devrait être bon ». C'est, en fait, Dimitri qui la leur apportera une demie-heure plus tard, et à l'heure actuelle, le moteur se remonte. Voilà, en Grèce, rien n'est impossible. En France, à l'impossible nul n'est tenu. C'est la différence entre un pays dans lequel on fait passer l'humain avant le mercantile et un autre dans lequel l'argent a tout pourri.
Si vous voulez d'autres exemples de ce savoir-vivre grec dont nous devrions nous inspirer pour vivre un peu mieux et cesser de nous plaindre pour agir, je vous en livre un. Très joli. Ce midi, nous avons décidé de trouver un petit restaurant au bord de mer (oui, je sais, la vie est dure sur nos rallyes, pendant qu'il pleut en France, on se dore au soleil) pour manger du poisson. Mais c'est férié. Beaucoup d'auberges sont fermées. Pas du tout. Vous n'avez pas compris la mentalité du pays. Nous nous arrêtons sur le port, un peu avant Glipha, et avisons une petite gargotte. Une petite loupiotte brille dans la salle obscure et on nous demande ce que nous cherchons. « A manger » dit-on. « Pas de problème ! » Le restaurant a ouvert comme par miracle, et c'est dans la cuisine que nous avons fait notre menu, en choisissant les plats que nous souhaitions déguster. Fa-bu-leux ! Avec des poissons et calamars pêchés du matin par le patron.
Que vous dire d'autre ? Que les autos ont un peu chauffé ? Oui, il fait très chaud, la montagne est exigeante, et il faut savoir soulager sa mécanique en la reposant régulièrement. Que certains se sont trompés et ont pris la piste pour la route ou inversement ? C'est vrai. Certains l'on fait exprès comme Eric Riegler qui voulait tester sa Baja dans les hautes herbes (en fait, il menait sa douce dans un coin tranquille pour qu'elle puisse satisfaire un besoin naturel). D'autres pas. Comme Philippe Clenet. Sauf que sa voiture n'est pas du tout faite pour ce genre d'exploit et qu'il a appuyé avec sauvagerie sur le champignon. Ca a beaucoup fait rire sa passagère, Arlette, qui sautait à chaque cahot, mais les silentblocs d'amortisseurs n'ont pas appréciés et il se retrouve avec un arrière plus que flottant. Pascal est parti en ville essayer d'en trouver... Mais comme ici rien n'est impossible...
PS : Bobo et Bribri ont été intronisés dans la 7e Compagnie avec pour mission l'escorte de Marie et Hélène. Ils veillent sur elles et sur leur 4CV comme à la prunelle de leurs yeux. Des yeux que Bribri doit régulièrement remplir de collyre, la poussière de la route finissant par l'aveugler. La mission s'annonce donc difficile pour nos deux compères, mais ils ont l'air de s'en acquitter avec bravoure. Bribri surveille juste avec plus d'attention son bras gauche pour s'assurer qu'il n'est pas cramé par le soleil. Chez lui, c'est un moyen mnémotechnique infaillible de vérifier que son pilote ne prend pas une route à contresens... Au fait, j'avais oublié de vous dire que nos deux lascars sont tous deux d'anciens gendarmes ! Ca fait désordre !

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