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Etape 05 - IGOUMENITSA / KALAMPAKA
Premiers tours de roues en Grèce. Enfin ! Sous un soleil de plomb et un ciel bleu, à peine perturbé par quelques moutons nuageux. En fond, la montagne, encore enneigée. Sous nos roues, une route qui a un peu souffert du gel, rapiécée par endroits, mais parfaitement carrossable pour nos autos trentenaires. 63 voitures au départ, 63 à l'arrivée. 63 ? Ben oui, les chefs ont descendu leurs autos des plateaux. Enfin, disent les mauvaises langues qui attendent de les y voir remonter très vite ! Pas joli joli comme mentalité, mais à leur décharge, nous nous moquons beaucoup depuis quatre jours. Rassurons-les tout de suite, la P60 et la 403 vont bien. Je n'en dirai pas autant de la 203 de Laurent Krier. Ah, celui-là, s'il n'existait il faudrait l'inventer. Quoique... Laurent, nous le connaissons depuis le premier Maroc. Il est de toutes les expéditions, toujours prêt et d'une bonne humeur égale. Mëme aujourd'hui, alors que sa dulcinée n'a pas cessé de lui poser problème. Bon, en même temps, c'est normal quand on voit comment il bricole son engin. Il a rajouté tellement d'accessoires que c'est devenu un sapin de Noël sur roues. Et je ne parle pas que des éléments extérieurs qui enlèvent du Cx, rajoutent du poids et l'empêchent de passer inaperçu. Non, il rajoute des trucs qui ne servent à rien, comme un Econogreen. « C'est pour rouler au sans-plomb, tu m'as dit qu'il ne fallait pas d'additif, alors j'ai mis ça, ça m'a coûté 20 euros ! » 20 euros jetés à la poubelle, parce qu'on l'a balancé illico presto dans une suite d'opérations chirurgicales qui méritent qu'on les conte. Tout a commencé après Ioannina, dans les premiers lacets d'une longue montée, à la sortie d'un petit village dans lequel Laurent a voulu faire le plein. S'était méfié pourtant. Le pompiste avait une tête pas tibulaire mais presque, les pompes une sale tronche et il a craint une essence quelque peu frelatée. Mais au lieu de fuir, il a fait un plein complet. Full tank ! 500 mètres plus loin, moteur calé. C'est forcément à cause de l'essence frelatée. Nous le croisons, doigt vers le bas, signe d'une immense détresse, alors qu'il a plutôt tendance à lever le coude le bougre. Ce doit être grave. Daniel se penche sur la bête malade. Imagine une impureté qui boucherait le circuit. Ausculte en débranchant durit sur durit. « Bon sang, mais c'est quoi tous ces trucs ? L'essence fait trois kilomètres avant d'arriver au carbu. » Découverte de l'Econogreen qui met en surpression le circuit. Viré avec pertes et fracas. Le circuit gagne 50 cm. Au passage, on trouve des durits de diamètre différent. Pas pour faire joli ou par coquetterie, Laurent n'avait rien d'autre sous la main lorsqu'il a refait la voiture, il y a un demi siècle ou presque. Bon, ça redémarre. Nous repartons, mais 500 mètres plus loin, nouveau calage. Cette fois, c'est la pompe à essence qui fait les frais de la remise en état. Ca va un peu mieux, l'auto fait un kilomètre. Le carbu est en partie démonté, ausculté. Il va bien. Bon, et si c'était l'allumage. Il est électronique, on le repasse en mécanique. Pas de changement (ça vous étonne ?). Bref, ça devient l'histoire belge du jour, mais par petits sauts de puces, le circuit se nettoie, les impuretés sont avalées et ça va de mieux en mieux. Bon, on aurait dû vidanger, mais ça a l'air de fonctionner comme ça. Et avec une essence de bonne qualité, ça devrait le faire.
Par contre, pour la 4CV de Marie et Hélène, gros problème d'embrayage à quelques kilomètres de l'arrivée. Au point qu'elle doit finir sur plateau. On pense à un câble d'embrayage cassé, la pédale étant brusquement revenue. Mais non, il est toujours là. On le retend, mais il ne reste quasiment plus rien comme garde. J'ai envie de dire qu'on connaît le problème. Déjà vu sur d'autres 4 CV. Refabrication pas forcément conforme, câble un rien trop court, il faut lui tirer sur la tronche pour assurer une tension correcte. Et au final, il passe à travers les supports de caisse et les arrêtoirs se pêtent. Bon, Pascal, Michel et Philippe ont remonté un nouveau câble... trop long, et il va falloir bricoler des arrêtoirs mais l'équipe est confiante. Elle devrait repartir demain.
La mécanique n'épargne pas non plus la Clenet, victime d'un étrier de frein AVD grippé. L'équipe d'assistance devrait assez rapidement régler le problème, l'étrier est en pièces détachées sur l'établi... Pour le reste, pas grand-chose à signaler. Denis Burlaud a quelques soucis de chauffe sur sa TR6, mais il a remis en place le ventilo d'origine qui, associé au ventilateur électrique, devrait résoudre en partie le problème. Au cas où, il reste toujours la solution de notre petit produit miracle.
Pour le reste de la troupe la journée a ressemblé à une balade à petite vitesse, sur des routes peu fréquentées (pendant une heure, nous n'avons croisé qu'un unique local, tout surpris de voir autant de vieilles encore capables de rouler), à travers un paysage verdoyant, percé ici et là par le rouge des coquelicots, le blanc des pâquerettes, le jaune des boutons d'or ou le bleu profond de l'eau des lacs, à commencer par celui de Ioannina que nous dominions sur une partie du parcours (c'est d'ailleurs non loin de là que Laurent a eu ses premiers hoquets avec sa 203). Le rythme de sénateur permettait les regroupements, les haltes fréquentes, les séances photos, les pique-niques improvisés et pour certains la découverte des petites auberges locales où l'on mange des légumes du jardin, de la vraie viande non hormonisée, produite localement par de petits éleveurs, le tout dans une ambiance très familiale, en mélangeant anglais, allemand et quelques mots de grecs pour se faire comprendre, le sourire en prime. Toujours.
Pour d'autres, la journée a été pleine d'émotions, notamment pour Bobo (Aimé Bonal) et Bribri (Claude Briois), des amis de 50 ans. Aimé pilote une vieille Jeep hors d'âge, sa compagne de randonnées depuis, pfff, plus personne ne sait. Bribri joue les copilotes, et dans une Jeep ce n'est pas facile de tenir le road-book, de le déchiffrer, tout en gardant un œil sur la route, l'autre sur le paysage. Bref, à un moment, Bribri a hésité. Fallait-il aller à droite ou filer sur la gauche. D'un côté l'autoroute, de l'autre la route. Ou est-ce l'inverse ? Qu'avait-on dit au précédent briefing ? On leur avait bien parlé de la couleur des panneaux inversés, mais là, dans l'incertitude qui gagne notre Bribri, il tend la main vers la droite. Puis essaie de se raviser. Trop tard. Bobo a déjà enquillé. Oups, oups... C'est la mauvaise route, panneau vert, autoroute. Bon, Bobo est un excellent pilote. Il faut parce qu'il vient de prendre l'autoroute... à l'envers ! Avec une Jeep... Heureusement, je rassure les lecteurs, elle est encore en construction, et moins de 500 mètres plus loin, un chantier permet à nos héros malheureux de stopper. Les ouvriers, surpris de les voir arriver dans ce sens se précipitent vers eux, et ça baragouine si bien qu'au bout d'un quart d'heure, le chef de chantier s'en mêle et stoppe carrément la circulation pour leur permettre de faire demi tour pour les remettre dans le droit chemin. Magnifique, non ?
La journée se terminait en apothéose avec l'arrivée sur Kalampaka, au pied des célèbres Météores, ces étranges formations rocheuses qui écrasent le paysage de tout leur poids et de toute leur noirceur. Comme des dents de lave surgies de l'enfer et brutalement figées dans une attitude menaçante, impression accentuée par les jeux d'ombres et de lumières qui jouent de leurs formes alanbiquées. Avec d'étonnants monastères, plantés à leurs sommets, comme autant de vigies surveillant cette porte sur le monde souterrain, ravitaillés par d'improbables filins et jadis coupés du monde pour mieux se consacrer à leur tâche. Empêcher le monde d'en bas de remonter dans celui d'en haut. Il paraît pourtant que, certains soirs, et depuis que les monastères sont de moins en moins nombreux, de terrifiants cris remontent de la terre, glissent le long des parois des Météores, accompagnés par une brume dans laquelle se dissimuleraient des cohortes de goules et autres âmes revenues de l'enfer pour quémander une deuxième chance. Brrrr, ça fait froid dans le dos... Mais ce n'est qu'une légende, n'est-ce pas ? Hein, dites, ce n'est qu'une légende ? Non pas que ça fiche la trouille, mais on dort au pied d'une de ces dents...

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