Routes - 04-11 - Marrakech / Ouarzazate
Ce matin, c'était donc à nouveau l'excitation du grand départ. Pour la première fois sous banderolle. Avec contrôle des essuie-glaces. « C'est important, précise Daniel. Il paraît qu'il y a de la neige dans le col de Tizi n'Tichkat. » Beaucoup doutent, mais puisque le chef l'a dit, c'est que c'est vrai. Un chef a toujours raison, c'est un adage marocain. Au moins aussi important que ceux lus dans le livre sur ce que doit faire une bonne épouse marocaine pour son homme et que Christian Mommayou a acheté pour Nathalie. Les commandements sont évidemment à l'image de la considération que les machistes musulmans peuvent faire de la femme, mais ce que Christian ne dit pas, c'est qu'il est loin d'être le chef à la maison. C'est Nathalie qui décide. D'ailleurs, ce matin, elle a pris le volant et il n'a pas vraiment le choix. Ca n'a pas l'air de l'embêter, soit dit en passant. Comme quoi, on peut jouer les machos pour la galerie et se conduire en gentleman.
Les pauvres marchands ne savent pas que, cette année, les gazelles ont affûté leurs armes pour venir faire du négoce au Maroc. Ils vont trouver de sérieuses adversaires en la personne de Blanca et Caroline qui ont rempli leurs véhicules d'objets divers et variés pour faire du troc. Et voila Blanca qui déroule par terre, à même le sol de la boutique un duvet et quelques chaussures toutes droit sorties du coffre de la Traction. Et elle fait l'article : regarde ces nu-pieds quasi neufs, peu servis, avec même une bride ! Et Abdul demande : "t'as pas chaussures de sport ?" Et non, c'est comme dans le sport, on peut pas gagner à tous les coups ! De palabres en discussions, de négoce en trocs, les gazelles ressortiront de la boutique chargées de colliers, plats, tajine et autre articles sous les yeux ébahis des gazous qui déjà se demandent où ils vont caser tout ça. "Ta Gazelle, tu sais, elle est dure en affaire, mais elle est belle ! Inch Allah."
Après les achats, tout le monde s'égaie. Ca descend plus ou moins rapidement sur Aït Benhadou, un village classé au Patrimoine de l'humanité par l'Unesco, ou pour visiter les studios de cinéma Oscar, à l'entrée de Ouarzazate. Du coup, ça tarde à rallier l'arrivée. Certains profitent même du temps qui leur reste pour rallier Aït Benhadou par la piste, à l'image des Riberolles et de leur Estachouette et des Azéma avec leur 203. 6 km de caillasse pour profiter autrement d'une arrivée à nulle autre pareille sur ce village.
La route continue jusqu'à Ouarzazate ; les paysages changent, un peu moins de cailloux, un peu plus de vert : des palmiers, des peupliers, il y a de l'eau au fond de l'oued ; elle est un peu jaune mais peu importe, les femmes y lavent le linge et l'étendent sur les murs rouges (au fait, le linge il ne ressort pas orange ?). Les villages sont rares mais les noms enchanteurs : traverser Tzagzagouine c'est dépaysant, non ? En arrivant dans le Sud, on commence a voir les enfants quémander au bord de la route et même essayer d'arrêter les voitures. Certains en ont fait l'expérience à midi ; pour s'en sortir, il faut parfois être très ferme. Mais les adultes ne sont pas en reste : au bord de la route, une vieille voiture arrêtée, le capot ouvert. 3 gars à côté, dont un habillé d'une djellaba bleue (celle qui est vendue pour les touristes) qui cherche à arrêter les passants : "j'souis en panne, tu m'emmènes au prochain village ?" Et ça finira en couscous tapis ! Estachouette ne se fera pas avoir : attends l'assistance, elle suit ! En fait, dans le rétro on les voit fermer le capot !
Nous, nous devons revenir en arrière. Demain, nous retournons en France après cette escapade. Et j'en profite pour conduire à la marocaine, comme nous l'a appris notre chauffeur de taxi d'hier, Abdul. « Ca passe ou ça casse, et si ça casse, ça débarrasse. » Le principe est simple. Repérer le klaxon et ne jamais lâcher le pied de l'accélérateur. Viser la ligne blanche centrale et doubler à chaque fois que c'est impossible. Un Åil sur la route, un autre sur le bas côté, un troisième dans son dos pour anticiper le coup de trafalgar du camion ultra chargé qui a déboité sans clignotant et entrepris de doubler la file des peureux, vélos, mobylettes, charrettes, piétons, ânes, moutons qui s'aventurent sur la chaussée. Pour doubler, pas de souci. Un coup de klaxon suffit. Tout le monde se pousse sur le bas-côté. On dépasse en prenant son temps pour préparer le prochain dépassement. L'Åil voit loin. Le camion qui arrive en face a des vélos à doubler, il va donc se déporter. Il faut juste calculer le moment exact où déboiter à son tour pour le croiser là où c'est le plus large. En évitant la mobylette et ses quatre passagers qui, vous le savez, va se mettre à traverser la route devant vous. Le klaxon, c'est l'arme absolue. Le mien fait un bruit du diable. Ca se pousse sans rechigner et conduire à la locale pousse ceux qui vous suivent à faire de même. On fait donc la course à plusieurs. Le plus lâche abandonne. Le plus inconscient finit dans le fossé. Un zeste de mesure s'impose, mais pas trop, pour ne pas se faire manger par un âne un rien excité et son cornac hirsute qui a entrevu une légère faille dans la file qui est devant lui et veut doubler à son tour alors que vous arrivez à fond de ballon... Inch Allah, ça passe ou ça casse. Ca passe... Trois heures de ocnduite à ce régime, ça vous lessive ou ça vous déprime, c'est selon. Parfois, ça excite. Là est le danger. En attendant, nous sommes arrivés sains et saufs. Ouf...
Nous retrouvons Marie-France restée sur place et qui en a profité pour visiter les souks. Elle est revenue en bus. « Pas simple. D'abord, il faut rentrer à 100 dans un espace prévu pour 50. Ensuite, il y a eu une altercation entre une jeune femme hystérique et un monsieur d'une soixantaine d'années. Ce dernier l'aurait soit-disant bousculée. Les insultes ont fusé, la fille a pété un câble. Un imman s'en est mêlé. Palabres, palabres. La fille hurle, tempête, griffe. L'homme continue à parler. La fille veut frapper le vieux monsieur. L'imman est toujours là ... Et finalement, au bout d'une demi heure, il réussit un miracle. La jeune femme et le vieux monsieur s'embrassent, sous les applaudissements du public. » Pas mal non plus le voyage en bus...
A Ouarzazate, les retardataires finissent par arriver. Daniel annonce 35 km de pistes pour ceux qui le souhaitent demain. Il y a beaucoup de volontaires. Ca promet pour demain soir...