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Piste - 11-10 - Ifri / El Kelaa Ngouma
L'étape du jour est évidemment profondément remaniée, le point de départ étant différent. La nuit portant conseil, nous avons finalement décidé de scinder le groupe en trois unités. Les équipages verts et bleus, amputés de quelques purs 4x4 prendront une route plein sud-ouest pour rejoindre Goulmima et remonter les gorges du Todra. Les équipages rouges, eux, vont tenter une approche plus transversale pour repiquer sur Imilchil et faire la descente du Todra par le nord. Zaïd nous le déconseille fortement à cause des fortes pluies de ces derniers jours. Mais nous avons décidé d'être têtus aujourd'hui, et de n'en faire qu'à notre tête. Il est évidemment dommage que tout le monde ne puisse goûter à cette piste que nous avons repérée au printemps dernier, mais nous ne voulons pas prendre le moindre risque.
Après une nuit qui n'a pas toujours été calme pour tout le monde. Certains ont choisi de camper au bord de la piscine en construction, d'autres sur le toit de l'hôtel, d'autres de partager des chambres, d'autres enfin de coucher dans les salons. Les petits yeux sont de rigueur, tout autant que les voix un peu rauques pour cause de soirée un peu trop arrosée pour certains. Le briefing improvisé sur le parking est donc bien souvent écouté d'une oreille distraite, émaillé de bâillements profonds et répétés. Il faut parfois répéter les choses deux ou trois fois car il est important d'expliquer le parcours à suivre, le road-book prévu pour la journée ne concernant guère plus qu'une partie infime du parcours.
Nous décidons de suivre le groujpe des rouges qui a gagné quelques volontaires supplémentaires : Pierre Prin et sa moto, les Leturnier avec leur Land et les Christ et leur Lada Niva. Les premiers kilomètres ne posent aucun problème particulier. C'est du goudron, parfois abîmé, mais accessible à tous. Avec des traversées de villages peuplés d'enfants réclamant stylos, chaussures et autres bonbons. Nous en avons l'habitude. La consigne est simple. On fait attention, mais on passe son chemin avec un petit signe de la main.
Un premier regroupement est improvisé après Outerbate et nous décidons une petite modification de dernière minute. Nous avons, au vu du parcours que nous venons de faire, un doute. On nous a dit qu'il était impossible de camper autour du lac, que le vent avait emporté la tente, bref que le campement ne pouvait être organisé, ce qui nous a contraint à modifier nos plans et à nous détourner sur Ifri. Daniel décide d'aller vérifier et nous scindons le groupe en deux. Nous guidons le premier vers la piste prévue, tandis que le second part sur Imilchil. 25 km plus au nord.
La piste, on l'attend tous depuis le départ. Cette fois, on est en plein dedans. Et, dès les premiers hectomètres, on est dans le bain. Du caillou, mais surtout des ornières, remplies de boue. Du bonheur. Il suffit de voir dans quel état arrivent quelques 4x4 espagnols, méconnaissables, couverts d'une gangue marron du pavillon aux protections sous caisse. Avec une vague trace d'essuie-glace sur le pare-brise. Pas question, pour autant, de faire les fous. Il y a trop d'enfants pour prendre le moindre risque. La Gégémobile donne donc un rythme de sénateur au groupe, ce qui permet d'admirer des paysages qui deviennent de plus en plus beaux. Nous suivons d'abord le lit de l'oued, cultivé de part et d'autre par une véritable fourmillière. Des femmes, des enfants, des ânes, plus rarement des hommes. Le travail est une notion qui dépasse parfois l'entendement. Ici, dans certaines régions, l'homme est sacré. Il profite.
Lorsqu'enfin nous quittons les zones habitées, la piste devient plus aléatoire. Elle slalome au gré des accidents de terrain et des oueds qui la balayent. Souvent, pour la retrouver, il faut emprunter le lit d'un oued. La ligne droite n'existe pas dans un paysage lunaire traversé parfois par quelques Bedford brinquebalant chargés pire que des mulets (et ce n'est pas peu dire ici), et par de rares troupeaux de moutons et de chèvres gardés par un unique berger. Nous en croiserons ainsi un, hache à l'épaule, lors de notre pause déjeuner. Il sourit, palabre peu, dit « oui » à tout ce que l'on dit mais on finit par comprendre qu'il a passé toute sa vie dans ces montagnes, à plus de 2.700 m d'altitude. Il vit de peu, Allah pourvoit au reste.
Lorsque nous repartons, il nous reste une trentaine de kilomètres d'une piste qui grimpe jusqu'à un refuge situé à plus de 2.600 m. On plonge ensuite vers la vallée, grandiose. Un avant-goût de la piste de la Vallée des Roses que nous ferons demain. La route, ou ce qui en tient lieu, plonge à-pic, serpente à la manière d'un reptile. En de longues et serrées circonvolutions. Il faut un gros cœur pour sa lancer dans cette descente, avec le ravin sur la droite. Le conducteur vise le bas-côté, le passager fait quelques prières. Mais au bout de quelques minutes, chacun a pris son rythme et apprivoisé les difficultés du parcours. Il suffit de se concentrer et de... se pousser lorsque les gros Bedford, au rythme d'un escargot bègue, grimpent en hoquetant. Ou lorsqu'on croise un... Jumpy conduit par un couple de Béziers. « Si un Jumpy peut le faire, vous aussi », se marrent-ils. Nous n'en doutons pas une seconde, la piste impraticable s'avérant certes éprouvante pour le coccyx, mais très faisable, même pour tous les autres équipages.
Ne mollissons pas. Les gorges du Todra nous attendent. Elles ont beaucoup souffert depuis les orages de l'année passée et des pans entiers en ont disparu, mangés par l'oued. Par endroits, c'est même dans l'oued qu'il faut poursuivre son chemin. C'est là que nous retrouvons le groupe bleu qui fait « joujou » dans le lit de l'oued. « Un test de motricité », se marre Patrick Bance qui constate que si le Baja grimpe sur un filet de gaz, d'autres ont bien plus de mal. Nous nous y essayons à notre tour et, là, au fond de l'oued, le Lada Niva des Mathé cale et refuse de repartir. L'occasion pour la Gégémobile d'entrer en action et de la tirer de ce mauvais pas. Avant de la remorquer sur quelques kilomètres jusqu'au platau qui attend dans les gorges. Quelle organisation !
Le reste du parcours est sans souci. Une route goudronnée, jusqu'à El Kelaa avec juste quelques petits soucis d'alimentation, cette fois pour la Jeep des Walther. Nous avons également croisé la 403 mais dans un garage. « C'est rien », nous crache-t-on à la CB. De fait, elle arrivera quasiment sur nos talons...
La journée a donc été tranquille et si l'on bricole un peu sur le parking, c'est plus par précaution. Un petit bruit à éliminer, un réglage fin qui va bien, un calage d'allumage,... La routine s'installe. Mais demain promet une autre chanson.

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