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Jour 07 - Cordoue

Au petit matin, une Panther est venue se faire soigner au bord du camion-atelier. Les deux pattes arrière en l'air, elle avait l'air penaude, mais elle a franchement été surprise, écarquillant brusquement ses deux globes oculaires, lorsque Didier est venu lui tripoter les papattes arrière pour, disait-il, régler le léchage des garnitures. A voir sa tronche, elle n'appréciait guère, la mémère. Son partenaire, Bruno, n'en menait pas plus large, lui qui se retrouvait avec une pédale de frein ras la planche et plus de 2500 km encore à faire. Pour tout vous dire, l'assistance n'était pas plus rassurée, se demandant comment on allait pouvoir monter un tel engin sur la remorque, parce que, sur le camion, ce n'est pas possible, elle dépasserait de tout son imposant et grassouillet arrière-train.

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Didier sous les jupes de la Panther de Bruno, en train de lui gratouiller les papattes arrières. Ecarte bien, ma chérie, qu'il lui dit !

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Allez, on va te purger mémère. Tu vas voir, ça va bien se passer !

Didier a alors eu une idée. Et si on la purgeait, la mémère ? Mais en poussant le liquide par les purgeurs, hein, pas en poussant sur la tige du maître-cylindre, au risque d'aggraver le problème si c'est lui qui en est la source. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les trois premiers purgeurs se laissent faire, même si, bizarrement, il y en a deux qui se tournent avec une clé de 9 et un avec une clé de 10. C'est une anglaise, certes, mais en général, les purgeurs sont standards sur les quatre roues. Bref, le quatrième fait encore mieux, il exige une clé de 11 ! Et lorsqu'on l'ouvre, il refuse de refouler le liquide. Bouché le bougre ? On tente donc la purge classique en pompant sur la pédale de frein, gentiment. Et là, outre une giclée que Didier s'est prise dans la poire, on a vu apparaître une belle bulle dans le réservoir. Un bon signe, ça ! On a donc insisté et, miracle, la pédale a repris de la dureté et une garde digne de ce nom ! La Panther a retrouvé ses freins, Bruno aussi, et l'assistance est au diapason... Encore une voiture qui devrait rejoindre ses pénates par la route.

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Le minaret originel, détruit en 1589 par un tremblement de terre, a été reconstruit mais sous forme d'une tour-clocher.

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Luis nous explique qu'il ne va pas nous faire une visite pour touristes, mais un tour “scientifique” de la Mezquita. Ça laisse sans voix Philippe !

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Les colonnes n'ont pas été fabriquées sur place, elles viennent d'Afrique et de toute l'Europe.

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Idem pour les chapiteaux qui sont corinthiens, grecs, romains, wisigoths...

Ce petit épisode achevé, direction Cordoue. Nous sommes lundi, les musées sont donc fermés, tout comme le palais et les jardins de l'Alcazar. Mais pas la Mezquita et ses 24.000 m2 qui abritent une mosquée construite en partie avec des subsides Juifs (d'où la présence de trois étoiles de David, ce qui est déjà étonnant) et au centre de laquelle a été bâtie la... cathédrale de l'Ascension de Notre Dame. C'est un exemple unique de cohabitation entre les trois religions qui ont, sur Cordoue, su bâtir une entente cordiale durant plusieurs siècles. Sa construction a démarré en 784, un peu plus de 70 ans après l'installation des premiers Omeyyades qui ont fui les persécutions des Abbassides (branche musulmane dissidente de Syrie) et elle est, aujourd'hui, la troisième plus grande mosquée au monde derrière la Mezquita de la Mecque et celle d'Istamboul. En 1238, lorsque la ville de Cordoue est passée sous domination chrétienne, l'édifice a abrité le diocèse de Cordoue et une petite église. Et en 1523, sous la direction des architectes Hernán Ruiz el Viejo et son fils, a été construite la basilique en forme de croix que l'on voit encore aujourd'hui.

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Il faut savoir que la Mezquita a été construite sur les ruines de la basilique wisigothe de Saint-Vincent.

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Le mur des trésors de la cathédrale avec toute une collection de ciboires. Les Chrétiens aiment bien tout ce qui est ostentatoire, au contraire des musulmans.

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La nef de la nouvelle basilique.

Tout est impressionnant dans ce lieu de culte qui a su fédérer les trois religions monothéistes qui, soit dit en passant vénèrent le même Dieu à qui ils donnent juste un nom et des prophètes différents. Des religions qui partagent certains rites qui sont simplement des ré-interprétations de ceux qui existaient auparavant et qui, pour certains, remontent même à Aton, le dieu unique que le Pharaon Akhénaton a tenté d'imposer à son peuple entre 1337 et 1355 avant Jésus-Christ. Un lieu qui est également l'endroit d'où la culture arabo-musulmane s'est exprimée avec la plus grande force, puisque, entre ces murs, on y enseignait les mathématiques, la médecine, la pharmacie, l'astronomie, la littérature, la philosophie, la poésie, etc. On estime d'ailleurs que la première université au monde est née là, dans la Mezquita. Notre guide, Luis, personnage haut en couleurs, ne s'est pas privé pour nous parler avec fierté de ce qu'il appelle l'apport arabo-hispanique au monde. A juste raison, puisqu'à l'époque nous n'étions encore que des barbares et que nous le resterons longtemps encore tandis qu'ici, on transformait un immense désert en un gigantesque potager qui continue à alimenter les marchés européens, on pratiquait les premières opérations de la cataracte avec une arête de poisson, on avait émis l'hypothèse que le soleil était le centre de notre galaxie et que notre planète tournait autour, on étudiait Platon et Socrate, on y a vu naître les plus grands poètes arabo-musulmans (Wallada bint al-MustakfiIbn Saïd, l'abadí Al Mutamid ibn Abbad de SévilleIbn Ammar de SilvesAbd al-Rahman V de CordoueIbn Abd RabbihIbn ZeydounAl Ramadi ou Ibn Hazm de Cordoue)... Bref, comme dirait notre guide Luis, « ici est née l'interculturalité, dans le partage et sous l'œil d'un seul dieu qui reconnaît tous ses enfants comme étant les siens, parce que notre foi nous fait aimer le même dieu, même si certains prétendent vous dire le contraire ! » Bon, il en rajoutait aussi pas mal, Luis, en nous affirmant que son fils serait évêque de Cordoue d'ici deux à trois ans (pour l'heure, il est juste curé) et il a prétendu que l'un des piliers de la Mezquita avait 30.000 ans et qu'il venait d'Egypte. Alors, certes, la roche dans laquelle les Egyptiens l'ont taillée a, peut-être, cette âge-là, mais pas la taille. Ce n'est pas bien grave parce qu'on a quand même appris beaucoup de choses, notamment que les piliers et les chapiteaux qui soutiennent la Mezquita sont aussi bien byzantins que grecs, romains ou wisigoths. Pour construire la mosquée, on en a fait venir de partout où il y en avait, quitte à les emprunter à d'autres monuments.

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Le contraste est saisissant entre la majesté de la Mezquita et le dépouillement de la Synagogue, dans le quartier juif.

En partant, Luis qui flirte avec les 80 ans ce qui lui donnait le droit de nous appeler ses enfants, ce dont il ne s'est pas privé, Luis, donc, nous a bien fait comprendre que nous n'avions pas eu droit à la visite touristique, mais à un tour “scientifique”. De fait, nous sortons un peu moins bêtes de ce lieu magique qu'en y entrant. Du moins, c'est ce qu'on peut espérer pour peu qu'on ait accepté l'idée que, malgré toutes les différences qui peuvent exister entre tous ceux qui peuplent la planète, on peut coexister et vivre ensemble dans la paix et la fraternité. Ce n'est pas toujours facile, mais avec un peu de bonne volonté, on y arrive. C'est ce que prouvent Cordoue et sa Mezquita !


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