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Jour 03 - Mai - Rosslare / Kilkenny
Tout avait pourtant bien commencé. La traversée s'est faite sur une mer d'huile et sous un soleil à faire rougir un moine cistersien. Pas la moindre houle, le ron-ron apaisant des gros moteurs qui faisaient à peine vibrer notre ferry plutôt habitué à la Méditerranée qu'à la Manche mais qui découvrait là des conditions exceptionnelles. Pour la petite histoire, il était basé à Bari, notre transmanche, et il assurait la liaison Bari-Split et de temps en temps Bari-Igoumenitsa en Grèce. C'est en tout cas ce que laissent supposer les inscriptions en italien et en serbo-croate, deux langues que nous maîtrisons désormais avec volupté et un accent à couper au couteau suisse.
On ne pouvait rêver meilleure mise en bouche et c'est à l'heure pile que nous sommes arrivés à Rosslare. 8h15, heure locale. Ou 9h15 à la française. Ce qui a, on s'en doute, occasionné quelques ratés à l'allumage ce matin. Dans le bon sens puisque notre ami André Paeme s'est levé, en fait à 5h45 heure française pour prendre le petit déjeuner prévu à 6h30 heure locale. Si vous avez tout suivi (je pose douze, je retiens huit, j'ajoute l'âge du capitaine et je retranche la tête de nos énarques...), il avait donc une heure d'avance sur l'horaire. C'est mieux, me direz-vous, qu'une heure de retard ce qu'il s'est d'ailleurs empressé de me répondre avec un à-propos qui n'avait d'égal que sa délicieuse mauvaise foi.
C'est une fois débarqués que la machine s'est déréglée. Trop bien huilée sans doute ou le besoin de nourrir cette chronique qui aurait très rapidement pu tourner en jus de boudin à force de ne rien raconter d'intéressant, hors le temps qu'il fait. A peine avions-nous posés nos délicats pneumatiques sur le sol irlandais que la BMW 3.20 de Guy et Annie Guillot donnait des signes inquiétants d'une fatigue imprévue. Un clac-clac intermittent, pas franc du collier, qui pouvait venir de moultes sources. La veille, déjà, sur le port, Yannick et Didier étaient intervenus sans rien entendre ni ne ressentir d'anormal. C'est le genre de panne qui va et qui vient, un peu comme les décisions de nos politiques. « Si on faisait ça, ou plutôt ça, encore ça ? » Pas agréable du tout quand on est au volant, encore moins pour la co-pilote qui angoisse à mesure que son cher et tendre tend l'oreille, cherche à comprendre, baragouine dans sa barbe, se fait douze nœuds au ventre et commence à s'interroger sur le sens profond de la vie. Le tout au bout de 800 mètres, autant dire que pour pourrir le reste du voyage, il n'en fallait pas plus. Du coup, un petit coup de fil à l'assistance qui, doigt sur la couture du pantalon, répond dans la seconde, tergiverse un quart de seconde et suggère un retour à la case départ. Petit conciliabule et décision est prise de laisser l'auto sur place et d'en louer une autre. Une neuve, hélas, mais une qui n'est pas en panne (enfin, espérons qu'elle tiendra tout le rallye, celle-là !). Par chance, chez Budget, Anne, 72 ans et un cœur gros comme ça, nous sort une voiture de derrière les fagots, surclassant nos pauvres éclopés et leur faisant un prix d'ami, tout en leur offrant le parking. Daniel, ému, n'a pu s'empêcher de lui faire un gros poutou et de poser avec elle devant une 4L qui lui rappelait des souvenirs apparemment très émoustillants à voir comment elle se serrait contre Daniel. Mais passons sur ce fort moment d'émotion parce que les scénaristes de la journée avaient décidé de nous la jouer à la manière “Plus belle la vie”, vous savez ce feuilleton français qui se passe à Marseille, dure depuis plus d'un demi-siècle, raconte toujours la même histoire et finit par mettre tous les acteurs en prison pour meurtre au moins une fois, à les innocenter 30 épisodes plus tard par une pirouette que même un enfant de trois ans est capable d'éventer tellement elle est puérile... Or donc, le téléphone s'est mis à sonner alors que les embrassades de reconnaissance s'éternisaient. Je vous le donne en mille, Emile, il y avait une autre voiture en rade. 4,5 km plus loin. Ce qui, en soi, constituait effectivement une péripétie supplémentaire subtilement imaginée par nos scénaristes qui pensaient ainsi nous faire avaler un suspense à couper au couteau. Cette fois, ce sont nos organisateurs de l'AG de Bergerac, Sylvie et Christophe Villechanoux et la Peugeot 304 qu'ils avaient emprunté à Julie, la chroniqueuse gastronomique, qui faisaient grise mine. « Il y a un bruit ! » Encore et toujours ce bruit que nous traquons tous en espérant intensément que nous ne l'entendrons jamais ! Un sacré claquement par le fait. Un premier participant s'étant arrêté pour rassurer Christophe et lui dire qu'il pouvait continuer, on pensait que ça s'arrêtait là. Mais c'était une nouvelle ficelle de scénariste pour gagner trois minutes supplémentaires avant l'écran de pub. En fait, 40 mètres plus loin, le bruit était si intense et inquiétant que nos amis ont décidé de s'arrêter là et d'attendre l'assistance.
Devinez quoi ? Retour à la case départ où nous étions toujours en compagnie de Anne qui, bonne fille, nous dit que ça n'est pas bien grave parce qu'elle a encore une voiture en réserve et qu'elle fera un super bon prix ! Nous, confiants, une fois la Peugeot arrivée, nous avons bien espéré résoudre le problème mais sans succès car le mal est profond. Il touche l'embiellage. Un piston qui a, sans doute, rencontré un corps étranger, l'a absorbé en quelque sorte, se créant une excroissance venant taper une soupape. Ça claque maousse bruyant... Bref, nouvelle voiture de location, nouvelles embrassades et nous revoilà au complet !
Le reste de l'étape ? De la rigolade. 96 km sur une petite route fort sympathique, ombragée, comme le ciel d'ailleurs, qui alternait éclaircies et nuages pour varier l'éclairage et les teintes de ce vert omniprésent qui barbouille un paysage bucolique. Comme nous étions partis fort tard, nous avons fini par trouver un petit troquet très calme à Inistiogue où nous avons eu la surprise de retrouver nos amis Bretons (Duhamel, Carruelle, Dauphin) qui avaient pique-niqué sur une de ces pelouses immaculées qui nous mettent la honte, tellement elles sont bien tondues et... vertes. Et pour nous remettre de nos émotions, nous avons rallié directement la brasserie Smithwick's, à Kilkenny, pour avaler notre première pinte irlandaise, avant de faire un tour dans la ville, mais sans aller jusqu'à visiter le château du XIIe siècle ou la Cathédrale Sainte-Canice. Une deuxième pinte nous attend car, et c'est une tradition, le premier qui monte sur le plateau paye son coup à l'assistance. Je sais, ça fait un peu “double-peine”, mais ça permet d'évacuer la tension toujours perceptible après de telles mésaventures. Nous avons l'habitude, pour avoir vécu nous-même ce genre de situation et, finalement, je leur dis merci parce qu'autrement, vous n'auriez rien eu à vous mettre sous la dent...
Je vous l'ai bien vendue la journée, non ? Je crois que je devrais faire scénariste pour “Plus belle la vie”. Je suis sûr que je ne pourrais pas faire pire...
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