Your browser does not support JavaScript!
Etape 04 - Cappadoce

Quelle journée ! Quelle longue journée ! Commencée dès avant le petit matin pour les plus courageux d'entre nous. 28 au total, debout à 5h pour attendre le bus et filer au terrain d'envol des ballons. Une désormais tradition dans ce coin de Cappadoce, introduite par une Française, il y a une douzaine d'années, que tout le monde prenait pour une illuminée et qui a fait école, plus d'une trentaine de compagnies sillonnant désormais le ciel, profitant de l'air frais du petit matin pour s'envoler et survoler ce site magnifique. Il faut savoir qu'il est indispensable de partir sur le premier envol pour avoir une chance de voler au-dessus des cheminées de fées et autres sculptures naturelles. Beaucoup de compagnies organisent en effet un second vol, les participants devant prendre le ballon là où il a atterri, parfois à plusieurs kilomètres du site.

Neuf fois sur dix, on ne voit alors rien d'autre que des toits, quand on ne réatterrit pas au même endroit. C'est nul, ça coûte un bras (150 euros lorsque ce n'est pas négocié, 95 euros dans notre cas) et pas moyen de se faire rembourser. Nous avions donc été très fermes avec la compagnie Mavi Ay Ballooning et surtout avec leur correspondante, Mükremin Bozlak. Premier vol ou rien du tout. Si deuxième vol, attention, Français pas fins du tout. Le dialogue avait été drôle mais cadré dès les premières secondes. Au final, 100% de satisfaction pour tout le monde. Et un bon début de journée.

Tandis que certains partaient se coucher, que d'autres commençaient à s'égayer dans la nature pour visiter les sites alentour (Uchisar, Göreme, Avanos, etc.), la télévision turque a débarqué sans tambour ni trompettes avec un journaliste d'un journal de Cappadoce. Ces drôles d'étrangers dans leurs drôles de voitures les intriguent. « Que venez-vous faire ici ? » nous demandent-ils dan un anglais plus qu'approximatif. Nous tentons une explication avec trois mots de turc, quatre d'allemand et trois d'anglais, mais nos interlocuteurs ne pipent pas un mot de ce que nous leur racontons. Nous essayons une approche plus manuelle, plus tactile aussi, comme nous savons désormais très bien le faire. Et après dix minutes de palabres aussi délirantes pour un observateur extérieur que constructives, nous arrivons à mettre sur pied un plan de bataille. Nous allons réunir une quinzaine de véhicules pour filer sur Göreme où ils connaissent un gars, collectionneur aussi, qui parle un anglais parfait et pourra jouer les traducteurs. Ça permettra de faire des images tout en roulant. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les volontaires se pressent au portillon ou, plus exactement, ceux que nous parvenons à trouver, nous ne leur laissons pas le choix. Nous prétendons que c'est prévu dans le road-book et qu'ils doivent nous suivre. Nous n'avons pas encore vu les images faites, mais ça devait être plutôt sympa. Ce qui était également sympa, c'est que le traducteur nous a montré ses voitures (en photo) et nous a expliqué qu'il a fait Paris-Pékin en 1977 avec une ancienne. Nous n'avons pas très bien compris de quelle auto il s'agissait mais comme il a pas mal d'américaines, d'avant-guerre ou des années 60, ce devait être une de ces grosses Ford ou Nash dont les photos trônent dans sa boutique.

L'interview a été plutôt folklorique, les questions tournant autour des raisons qui ont pu pousser des Français, Belges, Italiens ou Allemands à venir en Turquie. Mais le fait qu'ils viennent dans des voitures anciennes ne semble pas du tout être un fait surprenant. Ils sont par contre étonnés que nous venions aussi nombreux et pas dans un de ces autobus climatisés. Nous, par contre, nous sommes assez surpris parce qu'une équipe de télé, ici, c'est deux caméras, un preneur de son, une perchwoman, deux chauffeurs, une attachée de presse, un photographe et trois voitures ! Ça ne rigole pas... Et personne qui parle anglais. Funny...

Le reste de la journée était open total, et nous avons donc abandonné les participants à leur triste sort (pensez, il a fait 35 °C, et il y avait des tas de sites à ciel ouvert à visiter) pour nous retrouver, une fois de plus, dans un restaurant à l'accueil hallucinant de chaleur et de drôlerie, le patron, Hakki, nous faisant un fabuleux numéro de charmeur, mélange d'Aldo Maccione et d'Alain Delon. Sous le regard de sa « girlfriend » comme il dit, Ilkay, qui levait régulièrement les yeux au ciel, comme pour nous dire : « Excusez-le, il est comme ça au naturel ! » Mais ça nous va bien et comme nous avons attiré pas mal de monde dans son restaurant, il n'a pas arrêté de nous faire des cadeaux. Le vin, les desserts, les entrées... Pour un peu, on repartait sans payer. Ce qui est d'ailleurs arrivé à quelques participants qui se sont fait inviter, pour le simple plaisir de parler français. Je vous le dis, ces gens-là sont magnifiques. Notre Guéguette nationale peut encore en témoigner, elle qui a fini dans une famille de locaux qui l'ont couverte de cadeaux, elle et sa copine Wanda, mais aussi tous ceux qui passaient par là. Mais ça, c'était avant le drame. Enfin, les drames, devrais-je dire. Le premier, c'est évidemment Guéguette qui y a eu droit. Normal, TF1 a son Secret Story, nous, nous avons notre Guéguette story quotidienne... En quelques minutes, elle a perdu ses vitesses (rotule de biellette sortie de son logement, réparée par Martial qui passait par là, avec du fil de fer fourni par Jean-Pierre Carle qui passait également par hasard dans le coin) et sa commande de porte. Du coup, pour entrer dans sa voiture, elle doit passer par la capote, ce qui n'est pas triste (j'espère des photos)... Et comme charité même bien ordonnée n'est pas toujours bien récompensée, alors que nous visitions l'atelier d'un potier du côté d'Avanos, j'apprends que la 404 de Martial a des soucis. Elle chauffe. Il pense que c'est un joint de culasse. Mais il n'y a pas d'eau dans l'huile ni d'huile dans l'eau. Surtout, elle perd de la puissance. Pas bon signe. Tout en sirotant un thé à la pomme (pourquoi stresser ?), nous devisons et j'apprends qu'il a un moteur d'avance, sanglé dans sa caisse, que celui qui est monté dans la voiture chauffe depuis déjà pas mal de temps bien qu'il ait déjà changé le radiateur (trois fois, quelle constance !) et la pompe à eau. « Pourquoi ne changerait-on pas carrément le moteur ? » suggère-je, inconscient que je suis. J'appelle Daniel qui me dit de modérer mes ardeurs mais commence malgré tout à préparer les troupes à cette éventualité. Lorsque nous arrivons à l'hôtel, toute l'équipe d'assistance est sur le pied de guerre, prête à en découdre. Tous y vont de leur diagnostic (normal, vous mettez cinq mécanos autour d'une panne, vous aurez cinq avis différents), mais à force de discussion, on en arrive toujours à la même conclusion : quelle que soit la source du problème, il sera plus rapide de changer de moteur. Pour la petite histoire, c'est Michel Duriez qui a identifié la cause : la pastille de dessablage, derrière la pompe à eau, fuit comme une passoire.

Le temps de dire ouf, et le moteur était par terre, et l'autre en attente. Mais là, catastrophe. L'embrayage n'est pas le bon, pire la butée d'embrayage est morte, raide morte, plus de graphite, juste de l'alu, le disque d'embrayage est également en phase terminale, aux rivets. Avant toute chose, il faut donc trouver un embrayage et une butée. Et là, la cascade de miracles. Martial avait un disque tout neuf dans son coffre, et Jacques Besnard une butée toute neuve dans sa Panhard. Par chance, c'est le même modèle. Bon, je vous passe les adaptations qu'il a fallu faire parce que ce n'est pas tout à fait le même modèle de moteur, mais en trois heures de temps, la 404 a récupéré une mécanique. Il reste encore pas mal de boulot demain matin, mais l'affaire se présente plutôt bien. Et la journée commencée à 5h du mat s'achève tard, très tard. Mais on aime tellement ça...

A lire aussi