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Jour 07 - Tata

Au petit matin, la nuit ayant porté conseil, bon nombre de pistards ont décidé de prendre plutôt le circuit route. La fatigue, la turista (eh oui, elle s'invite généralement le cinquième jour), et la perspective d'en baver sur une piste encore très caillouteuse, très cassante ont eu raison de quelques courageux. Nous avions, il est vrai, sérieusement noirci le tableau pour que ceux qui hésitaient à déclarer forfait le fassent sans honte. Il valait mieux qu'ils prennent tranquillement la route pour ne plus se fatiguer, ni abîmer encore plus leurs machines déjà bien usées. Du coup, les rangs sont clairsemés à l'attaque d'une piste qui, en fait, doit un jour se transformer en route goudronnée. Si les provinces de Zagora et de Ouarzazate parviennent à s'entendre, mais ça n'en prend pas le chemin. D'un côté, les travaux avancent au rythme lancinant du dromadaire fatigué par la bureaucratie, les tracas, les ordres et contre-ordres (un kilomètre en huit mois, c'est pas mal !). De l'autre, ils sont carrément arrêtés et la plupart des ponts sont effondrés. Entre, ce sont 30 bornes de caillasse, raides, presque pires qu'hier. Avec des creux, des bosses, des roches qu'on négocie à 10-20 km/h. Du coup, les crevaisons se multiplient. Popineau nous en colle trois d'un coup ! Deux sur sa 2CV, et une pour le Range des Marseillais qui leur servent de mère-poule, Latil-Brun. Plus une quelques kilomètres plus loin. Rommel fera aussi bien que la veille. Deux pneus. Les Pion et leur Colorale, une simplement. Les échappements ont également souffert. Sur mon Iltis (qui a perdu, au passage, son câble de compteur), mais aussi sur le Katar des Degail, sur la 4L de Crochemore. Et je ne vous parle pas des soucis de l'Escort de Jean-Luc Campana qui, bien qu'ayant pris la route, a trouvé le moyen de voir l'attache de sa traverse moteur passer à travers. Ca mécanique d'ailleurs ferme sur le parking. Pour la première fois depuis le début du rallye, l'assistance ne sait plus où donner de la tête. On ressoude de l'échappement à tout va (on refabrique même un manchon avec une boîte de saladette), on reprend le parallélisme sur la Traction de Michel Véret, on rattache des hayons, on nettoie les filtres à air, on répare les pneus, on renforce les caisses qui ont souffert, bref ça travaille de partout. Avec le sourire, malgré la fatigue.et les soucis de chambres.

De sacrés soucis d'ailleurs. Nous savions les capacités hôtelières de Tata réduites, mais nous nous sommes faits rouler dans la farine par l'agence française (Biladi Voyages) avec qui nous avons fait affaire. Grosse erreur. Depuis le début, elle a fait à peu près n'importe quoi. Se trompant de rooming list, de nombre de personnes, pas d'hôtels mais pas loin. Pire, elle a sous-traité à un référent local, de bonne volonté, mais qui n'a manifestement pas reçu toutes les instructions. Ca a pu s'arranger jusqu'ici, mais ce soir, c'est grand bordel. Deux hôtels soi-disant complets, mais qui ne peuvent accueillir qu'une partie des participants. Nous le savions, et nous avions donc prévu de bivouaquer avec l'assistance. Mais en arrivant, nous voyons que l'on distribue des chambres à des arrivants qui n'avaient pas réservé. Nous comprenons bien le problème. Nous, nous avons un tarif négocié. Pas ceux qui débarquent en isolés. Il reste donc des piaules ? Commence alors une discussion de sourds entre le référent de notre agence, les responsables des hôtels et nous. Un dialogue surréaliste, chacun se renvoyant la balle. Deux plombes, avec l'agence en guest star, coupable de tous les maux à écouter les parties en présence. Résultat des courses : nous finissons par prendre le problème en main car, figurez-vous qu'il n'y avait pas assez de repas prévus ! 40 personnes auraient dû se débrouiller elles-mêmes. Ben voyons. Après quelques coups de téléphone assassins et discussion acharnées, tout le monde mangera. Un point de gagné. Pour les chambres, la solidarité s'organise. De nombreux participants proposent d'accueillir une ou deux personnes. Pour les autres, nous squattons le salon du Relais des sables, mis à dispo par la direction de l'hôtel. Quelques-uns finiront sous la tente, par la force des choses. Mais globalement, tout s'organise un peu mieux que ce nous craignions. La solidarité a du bon. Merci aux participants route qui ont eu pitié de nous autres pauvres pistards, épuisés, crados, sentant fort le fennec faisandé, qui nous permettent de prendre une douche (autrement dit de pourrir leur salle de bain avec le sable que nous avons incrusté dans la peau), et nos sacs de couchage. La nuit promet d'être joyeuse...

Petit clin d'œil pour les autorités qui nous surveillent avec bonhommie, remettant les étourdis sur le bon chemin. Avec une mention spéciale à la Gendarmerie qui nous prend en photo (j'ai eu droit à trois photos en moins d'une demie heure par le même fonctionnaire, parce que je passais et repassais devant lui : à la fin, il me reconnaissait et m'appelait « Effendi Essais » parce que je lui avais dit que je testais ma voiture, ce qui était à moitié faux, le câble de compteur étant en train de chanter avant de casser), avec le sourire, et ne nous dresse pas d'amende. Ca change des photos souvenirs de nos radars.
Rassurez-vous, malgré les problèmes, le moral des troupes est au beau fixe, mais demain les volontaires pour la piste seront moins nombreux. C'était prévu, mais les désistements sont importants. Beaucoup de malades (sacrée turista), quelques fatigués et surtout des voitures qui ont trop souffert pour continuer. Les pistes du Maroc sont dures, très dures. Beaucoup plus que ce que beaucoup pensaient. Elles mettent à mal le matériel et les hommes. Pas le moral. Au beau fixe. Comme le temps. 30 °C à l'ombre, juste pour vous faire enrager. Paraît que ça va durer...
PS : si vous n'avez pas de nouvelles de vos amis, de votre famille, ou de vos copains, c'est bon signe, c'est qu'ils n'ont pas connu le moindre souci depuis le départ. Mme Walter, votre mari va très bien. Il joue les mères-poules pour l'Acadiane de Patrick Maurice. Et plutôt bien d'ailleurs.

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